19 mars 1962 : les accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie23/03/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/03/2799.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Histoire

19 mars 1962 : les accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie

Le 19 mars 1962, les accords d’Évian décidaient un cessez-le-feu entre l’armée française et les troupes de l’Armée de libération nationale du FLN algérien, après huit ans de guerre et cent-trente-deux ans de colonisation.

Cette première étape vers l’indépendance ouvrait un espoir pour tout le peuple algérien et constituait un soulagement pour les jeunes appelés du contingent envoyés en Algérie.

Tout comme Poutine en Russie aujourd’hui, les dirigeants français de gauche ou de droite qui s’étaient succédé bannissaient l’usage du mot « guerre ». Un million et demi de jeunes appelés avaient été envoyés en Algérie pour mener des « opérations de pacification ». Derrière ces mensonges, la réalité de la guerre était féroce. Les bombardements, la torture et les viols ne réussirent pas à faire plier le peuple algérien. Au contraire, ces exactions ne firent que renforcer son soutien au FLN, exprimé massivement lors des manifestations de décembre 1960 à Alger et du 17 octobre 1961 à Paris.

En mai 1961, de Gaulle, président de la République, entama des négociations avec le FLN. Bien que porté au pouvoir en 1958 par les militaires et les partisans de l’Algérie française, son objectif était de mettre un terme à cette guerre coloniale coûteuse et sans issue sur le plan militaire. Il s’agissait de préserver au mieux les intérêts de l’impérialisme français dans une future Algérie indépendante. Ces intérêts passaient alors par le Sahara, que la France entendait conserver. Cet immense territoire riche en gaz et en pétrole constituait un enjeu stratégique majeur, avec ses bases militaires où s’effectuaient toutes sortes d’expérimentations chimiques, bactériologiques et nucléaires. Le FLN rejeta fermement le projet d’une Algérie amputée du Sahara, ainsi que celui de former une enclave européenne dans le nord du pays.

En même temps qu’il négociait, De Gaulle intensifiait la guerre. Les bombardements au napalm, les ratissages avaient décimé les rangs des maquisards. Le déplacement et l’internement de deux millions de villageois dans des camps isolaient et privaient les combattants algériens d’un soutien essentiel.

C’est dans ce contexte militaire que furent finalement signés les accords d’Évian qui, tout en accordant l’indépendance, voulaient garder le pays sous la dépendance économique de la France. Celle-ci gardait le contrôle de l’exploitation des hydrocarbures et des richesses minières, et conservait des bases militaires, dont des bases d’essais nucléaires au Sahara.

L’espoir d’une fin rapide et définitive des tensions fut de courte durée. Des chefs militaires partisans de l’Algérie française considéraient ces accords d’Évian comme une trahison. Regroupés au sein de l’OAS (Organisation armée secrète), ils passèrent à l’action dès le 20 mars 1962, pratiquant la politique de la terre brûlée. Par une série d’attentats d’ampleur dans les villes d’Algérie, leurs commandos semèrent la terreur, blessant et tuant des milliers d’Algériens mais aussi des militaires français.

Ce bain de sang organisé par l’OAS avait pour but de rendre impossible toute réconciliation et vie commune entre Algériens et Pieds-Noirs, les Français d’Algérie. L’OAS précipita l’exode massif de 80 % de ces derniers, soit 650 000 personnes, ouvriers, employés, petites gens dans leur écrasante majorité. Le bilan de la guerre était effroyable : sur près de neuf millions d’habitants que comptait l’Algérie, au moins 500 000 civils algériens auraient péri. Il fallut encore quatre mois avant que l’indépendance, fixée au 5 juillet 1962, soit effective.

Soixante ans après, des commémorations ont lieu de part et d’autre de la Méditerranée. L’indépendance chèrement acquise a permis à tout un peuple de retrouver sa dignité. En Algérie, le pouvoir continue à se servir de la guerre d’indépendance pour se légitimer. Or, même si la victoire contre l’ancienne puissance coloniale représente encore une fierté, les classes populaires rejettent massivement le système politique qui s’est installé. Elles l’ont exprimé en 2019, lors du Hirak, ce mouvement populaire qui a secoué le pays. Le pouvoir auquel elles se heurtent, celui de la bourgeoisie algérienne, est aussi un rouage de l’ordre impérialiste.

En France, dans les commémorations officielles, Macron prétend œuvrer à la réconciliation. Mais si le temps des colonies est fini, l’impérialisme français n’a jamais cessé d’exercer sa domination dans ses ex-colonies, au profit des grands groupes capitalistes français. Les travailleurs conscients doivent le dénoncer haut et fort et s’organiser pour abattre cet ordre impérialiste qui continue, sous d’autres formes ou sous les mêmes, à exploiter les peuples et à multiplier les conflits.

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