Leur société

Décès d’un maire : les discours et la réalité

La mort du maire de Signes (Var), lundi 5 août, a fait la une de l’actualité. L’élu, Jean-Mathieu Michel, avait interpellé deux jeunes ouvriers qui venaient déposer illégalement des gravats. Ils auraient accepté de les reprendre, mais pas d’attendre la police municipale qui devait les verbaliser.

Le chauffeur de la camionnette a manœuvré pour partir, et a accidentellement renversé le maire. Macron et dans son sillage les ministres Castaner et Gourault se sont emparés de ce fait divers pour promettre une réponse ferme aux incivilités et rendre hommage aux modestes « serviteurs de la République » que sont les maires des communes rurales. Un projet de loi est en cours de discussion au Sénat et on leur promet des caméras automatiques, plus de considération et d’augmenter leurs pouvoirs de police.

Ces postures politiciennes ne changeront bien sûr rien à la question des dépôts sauvages. Comme le soulignent les associations du Var qui militent contre ceux-ci, les dépôts sur le bord de la route ou dans les forêts par les petits patrons ou les particuliers ne sont qu’un aspect du problème. Le secteur du bâtiment et des travaux publics produit chaque année 250 millions de tonnes de déchets. L’essentiel est inerte, comme le béton, la terre ou les gravats, et des filières de concassage et de recyclage existent, pour fournir de nouveaux matériaux de remblai ou de construction. Mais elles sont insuffisantes et saturées, et 30 % de ces matériaux aboutissent dans des décharges, légales ou pas.

La situation dans le Var est particulièrement critique. L’urbanisation du littoral de la Côte d’Azur génère d’immenses profits, mais aussi quantité de déchets du bâtiment. Les communes aisées refusent l’ouverture de centres de stockage, et les déchets vont s’accumuler plus loin, enrichissant des propriétaires qui mettent à disposition des terrains, en proposant des prix intéressants, et des norias de camions s’y déversent. Au Castellet, commune voisine de Signes, les riverains se mobilisent depuis des années contre une décharge privée, où les sociétés du BTP auraient déversé un million de tonnes de déchets depuis trente ans.

Le BTP représente un chiffre d’affaires de 150 milliards d’euros, dont presque la moitié est réalisée par Bouygues, Vinci et Eiffage. Il y aurait donc largement de quoi organiser des filières capables de prendre en charge l’ensemble des déchets, y compris pour les petites entreprises. Mais c’est la loi du marché qui domine, et en définitive la loi de la jungle. Riverains et maires des petites communes sont abandonnés seuls face à cette situation, à l’image d’une société qui se dégrade de jour en jour.

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