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Algérie : pas de trêve estivale pour le mouvement populaire
Vendredi 9 août, malgré la chaleur caniculaire et à deux jours des fêtes de l’Aïd, le mouvement populaire pour « dégager le système » s’est poursuivi. Pour le 25e vendredi consécutif, des cortèges de manifestants déterminés ont parcouru les principales villes du pays.
Ils refusent toujours une élection présidentielle organisée par les piliers du régime, tels Abdelkader Bensalah, le président par intérim, et Nouredine Bédoui, le Premier ministre. Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée, nouvel homme fort du pouvoir, a été particulièrement conspué, ainsi que Karim Younès, le chef du panel de personnalités formé par Bensalah pour entamer un dialogue en vue de la présidentielle : « Pas d’élections avec la bande », « Y’en marre des généraux ! », « Un État civil et pas un État militaire ! », « Gaïd Salah, chef de la bande ! » Des slogans appelant à la désobéissance civile pour la rentrée de septembre ont été repris dans de nombreux cortèges : « Elle arrive, elle arrive, la désobéissance civile ! »
La veille de la manifestation, Gaïd Salah avait pourtant déclaré que l’armée, qui selon lui accompagne depuis le début le mouvement populaire, avait satisfait à ses revendications fondamentales. Il ne resterait plus selon lui que l’étape de l’élection présidentielle. Son opération mains propres, censée lutter contre la corruption, a conduit à la prison d’El Harrach des grands patrons, hauts fonctionnaires, ex-ministres et ex-Premiers ministres. C’était maintenant le tour des frères Benhamadi, patrons du groupe Condor (agro-alimentaire, électroménager, pharmacie), de découvrir les charmes de cette prison, surnommée avec humour « le nouveau club des Pins », en référence au lieu situé à l’ouest d’Alger où vivent tous les hauts dignitaires du régime. Gaïd Salah, lui-même ancien fervent partisan du 5e mandat, n’a pas été gêné de les faire inculper pour « financement occulte de partis politiques et de la campagne électorale pour un 5e mandat de Bouteflika » !
En rouvrant un certain nombre d’affaires de corruption classées jusqu’ici sans suite, comme celle de la construction de l’autoroute Est-Ouest, Gaïd Salah veut marquer les esprits et espère faire refluer le mouvement.
Ces arrestations, avant tout le fruit de la mobilisation inédite qui secoue le pays depuis plus de cinq mois, ont certainement réjoui une partie de l’opinion populaire, mais elles n’ont pas réussi à enrayer ce mouvement qui ne se satisfait pas d’un ravalement de façade. Elles ne peuvent faire oublier d’autres arrestations, comme celles de dizaines de personnes qui ont brandi le drapeau berbère.
Le 5 août, une peine de dix ans de prison avait été requise par le procureur d’Annaba à l’encontre de Nadir Fetissi, qui avait brandi ce drapeau. L’émotion suscitée par ce réquisitoire a été d’autant plus vive que ce procureur avait manifesté en mars pour réclamer « une Algérie libre et démocratique » et un État de droit ! Le verdict prononçant sa libération a été vécu comme une victoire du mouvement.
Le pouvoir n’en a pas fini avec la contestation. Les travailleurs et les classes populaires sont toujours confrontés aux difficultés quotidiennes, chômage, bas salaires et inflation. Dans nombre d’entreprises, ils doivent lutter pour imposer des droits élémentaires comme celui de choisir leurs délégués syndicaux. Si le pouvoir a mis quelques patrons en prison, il s’apprête à mettre tous les moyens pour aider le patronat à surmonter la crise économique qui frappe le pays, en présentant la note aux travailleurs.