Algérie : la mobilisation populaire impose le report de l’élection présidentielle05/06/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/06/LO2653.jpg.445x577_q85_box-0%2C23%2C483%2C649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : la mobilisation populaire impose le report de l’élection présidentielle

En Algérie, la mobilisation populaire s’est poursuivie durant tout le mois de mai, qui coïncidait pourtant avec la période de jeûne du ramadan, respectée par beaucoup. Même si les manifestations ont été de moindre ampleur que dans la période précédente, leur détermination a eu raison de l’élection présidentielle prévue le 4 juillet.

Aucun parti n’a osé présenter de candidat à une élection massivement rejetée, contraignant ainsi le pouvoir à la reporter. C’est un point marqué contre l’homme fort du régime, le chef d’état-major Gaïd Salah, qui tenait à ce qu’elle ait lieu. Celui qui prétendait agir au nom du mouvement est devenu la principale cible des manifestants. Les slogans « Armée, peuple ! Frère, frère ! Gaïd Salah chef des traîtres ! », « Un État civil, pas un État militaire ! », « Y en a marre des généraux », ont, entre autres, été largement repris.

L’opération mains propres menée par la justice civile ou militaire sur les ordres de Gaïd Salah est perçue par beaucoup comme l’expression d’un règlement de comptes entre clans rivaux. Mais si, deux mois après la démission de Bouteflika, l’élection a été reportée, le système est toujours là et tente par tous les moyens de reprendre le terrain concédé.

En même temps que les têtes d’hommes détestés, tel Saïd Bouteflika, le frère du président déchu, étaient offertes à la vindicte populaire, les arrestations pour intimider les manifestants se sont multipliées.

Le décès en prison de Kamel Eddine Fekhar, militant des droits humains, alors qu’il menait une grève de la faim, a beaucoup choqué. Il a été arrêté le 31 mars, suite à une vidéo dans laquelle il dénonçait le racisme entretenu par le pouvoir à l’encontre des Mozabites, une minorité confessionnelle berbérophone vivant à Ghardaïa. Ses obsèques se sont transformées en manifestations contre le régime et, vendredi 31 mai, le slogan « Pouvoir assassin ! » a retenti dans bien des cortèges, des cortèges qui réclamaient également la libération de tous les détenus politiques tels que Hadj Ghermoul. Ce dernier avait été arrêté pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux le 26 janvier une photo où il exhibait une pancarte : « Non au cinquième mandat ».

Abdelkader Bensalah, président par intérim, homme du système, continuera-t-il à exercer ses fonctions alors que le mouvement exige son départ ? À quelle date auront lieu les élections ? Quelle forme prendra la transition politique promise ? Des partis politiques ont répondu favorablement à la proposition de dialogue faite par Gaïd Salah : ce sont le FLN et le RND, partis qui avaient soutenu Bouteflika, les islamistes du MSP, le TAJ d’Amar Ghoul, homme impliqué dans des scandales de corruption, El Hourriet d’Ali Benflis. Rejetés des manifestations, tous ces hommes refont surface en offrant leurs services pour sauver le système.

Un certain nombre de personnalités issues de la « société civile » ont aussi proposé leurs services pour sortir le pays de la crise politique et mettre un terme au mouvement populaire. L’idée d’une commission formée de personnalités « au-dessus de tout soupçon », mandatée pour mener les discussions avec les différents partenaires du mouvement populaire et l’armée, voit le jour. L’association des oulémas (religieux) a même proposé de jouer les intermédiaires.

Il n’y a rien à attendre d’un dialogue avec l’état-major militaire, protecteur d’un ordre social injuste et qui se tient prêt à écraser le mouvement. Les travailleurs, les classes populaires, les jeunes des quartiers, les étudiants, mobilisés depuis trois mois, n’ont rien à attendre non plus de ces personnalités qui surgissent. Les solutions qu’elles proposeront pourront donner l’illusion d’un changement, mais sans s’en prendre aux intérêts des classes dominantes algériennes et des multinationales il n’aura aucune réalité.

Les travailleurs, les masses populaires en lutte depuis des semaines, ne pourront pas se contenter de discours et de faux-semblants. Le « système » auquel ils s’en prennent est celui qui permet aux classes dominantes et à l’impérialisme de continuer, cinquante ans après l’indépendance, de spolier le peuple algérien.

Il n’est qu’un rouage du système capitaliste en crise et l’abattre impliquera de s’organiser, de se donner des objectifs de classe à la mesure des espoirs que le mouvement a fait naître. Celui-ci a montré sa force, tout dépend maintenant de sa conscience.

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