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Bolloré assigné : le temps des colonies n’est pas fini
Le 27 mai, dix ONG et syndicats, dont Sherpa, ont assigné en justice l’entreprise Bolloré, pour obtenir l’application de mesures améliorant les conditions de vie des travailleurs et riverains de plantations de palmiers à huile au Cameroun, gérées par la société dont le groupe est actionnaire.
Bolloré avait pris ces engagements en 2013, sous la pression de ces ONG et celle des travailleurs eux-mêmes. Socfin, la holding luxembourgeoise qui gère 128 000 hectares de plantations de palmiers à huile, en Afrique et en Asie, et dont la filiale camerounaise est la Socapalm, est détenu à 38,8 % par le groupe de Bolloré. Les pratiques de la Socapalm ont été révélées largement lors de l’enquête réalisée par le journaliste Tristan Waleckx, bien évidemment attaqué en diffamation par Bolloré, qui recueillait les témoignages d’ouvriers agricoles, mineurs pour certains, payés à la tâche, travaillant sans vêtements de protection et logeant dans des conditions insalubres.
Alors que le bénéfice net de Socapalm était de près de 25 millions d’euros, selon un rapport d’enquête réalisé en 2016 par une ONG locale, cette dernière rapporte que le salaire versé aux travailleurs « ne leur permet pas de satisfaire leurs besoins les plus élémentaires ». Emmanuel Elong, syndicaliste président de la Synaparcam, Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun, dénonce depuis longtemps cette situation « Si tu n’es pas fort pour soulever la perche à tout moment, tu ne peux pas récolter 50 régimes en une journée (une quantité qui rapporte 1 500 francs CFA, 2,29 euros, au travailleur). C’est la récolte qui paie beaucoup. Si tu n’es pas fort, alors ce n’est pas possible d’avoir un salaire de 40 000 francs CFA (60,98 euros) dans les plantations de Bolloré.[…] Les gars travaillent comme des esclaves. » À cela s’ajoutent les violences exercées par les entreprises de surveillance privées employées par la Socapalm, en particulier l’entreprise privée Africa Security. Les vigiles et les militaires sur place entretiendraient un climat de terreur en procédant à des arrestations arbitraires, voire à des violences, sous prétexte de vols de noix de palme par les riverains.
Pour continuer à faire ses fructueuses affaires, Bolloré, qui réalise le quart de son chiffre d’affaires en Afrique, en particulier au travers de la gestion de tous les ports d’Afrique de l’Ouest, dispose de tout un réseau d’amis parmi les dictateurs africains et les hauts fonctionnaires de l’appareil d’État français. Pour ne citer qu’un exemple : son conseiller Michel Roussin fut également directeur de cabinet du patron de la DGSE (services secrets français), directeur de cabinet de Jacques Chirac, ministre de la Coopération du gouvernement Balladur et président du Medef Afrique.
Une illustration de plus de ces liens qui existent entre État français et grands patrons, Bolloré et d’autres, qui continuent à faire des affaires comme au temps des colonies.