Leur société

Dépakine : l’arrogance de Sanofi

Mercredi 16 janvier, Sanofi a annoncé son refus de contribuer à l’indemnisation des victimes de son antiépileptique Dépakine. Une façon de dire très clairement : « Que l’État paye ! »

Si la Dépakine est un médicament incontournable pour certaines personnes souffrant d’épilepsie, des études ont montré, dès les années 1980, le risque de survenue de graves malformations neurologiques chez les enfants nés de mère sous Dépakine pendant leur grossesse. Plus tard, dans les années 2000, le risque accru pour ces enfants de retard mental et de trouble du développement intellectuel a été démontré.

Pourtant, ce n’est qu’à partir de 2010 que ces risques ont été expressément mentionnés dans la notice glissée dans la boîte à l’attention des patients. Et c’est seulement depuis mars 2018 que les boîtes de Dépakine sont revêtues d’un pictogramme alertant les femmes des dangers que ce médicament présente pendant la grossesse.

Pendant tout ce temps, pendant des années, des milliers de femmes ont continué à suivre leur traitement pendant leur grossesse, à prendre de la Dépakine puis à voir apparaître chez leur enfant des malformations et des troubles qui n’auraient jamais dû être.

Des associations de parents se sont mobilisées, des procès sont en cours. Mais quand par exemple, en décembre 2017, Sanofi a été condamné par la cour d’appel d’Orléans à verser 2 millions d’euros à la famille d’une victime et un million à la caisse d’assurance maladie, ce géant de l’industrie pharmaceutique a fait appel. Les mois passent…

Quand ces jours-ci l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) a publié les avis d’indemnisation, qui retiennent la responsabilité de Sanofi à hauteur de 70 % et celle de l’État à hauteur de 30 %, le laboratoire multimilliardaire a répondu ne pas pouvoir donner suite à ces avis. Car, confie-t-il, ces avis ne prennent pas en compte « les preuves établissant que Sanofi a informé les autorités en toute transparence » sur les risques de la Dépakine pour les femmes enceintes, au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques. C’est-à-dire, en gros : « On savait, on l’a dit, mais c’est l’autre qui n’a pas fait. » Un sommet d’irresponsabilité et d’arrogance !

« C’est écœurant, mais la décision de Sanofi n’a rien de surprenant », a témoigné une représentante de l’Apesac, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant. Et elle a ajouté : « On est nombreux, on ne baissera pas les bras ! On n’a pas fini de crier pour réclamer l’indemnisation des victimes ! »

Ils ont bien raison. Mais en attendant, une armée d’avocats et de services juridiques va se mettre en piste pendant des mois et des années pour parvenir à faire payer l’État. Comme tous les grands groupes industriels, Sanofi sait d’expérience qu’il peut totalement compter sur lui pour que ses profits soient épargnés.

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