Dans les entreprises

Air France : 200 euros minimum pour tous !

Mardi 23 janvier, trois cars de police stationnaient près du bâtiment où s’ouvraient les négociations annuelles sur les salaires (NAO) entre Air France et les syndicats. Redoublant de précautions, la direction avait délocalisé à Paris les négociations de son siège de Roissy.

L’épisode de la chemise du DRH déchirée lors d’un comité central d’entreprise houleux ne date que de 2015, et la direction craint que des travailleurs en colère, s’invitant de nouveau à une réunion où ils ne sont pas conviés, n’y fassent entendre leurs revendications.

Air France affiche des résultats financiers record. Cela fait que, depuis décembre, le mécontentement s’exprime sur les salaires car, hormis de rares et minimes augmentations individuelles, ils sont bloqués depuis 2011.

Les mécanos entrent en piste

Les mécaniciens de piste de Roissy (CMH) débrayent ainsi régulièrement depuis des semaines, en réclamant ce qui correspond à une hausse de salaire de 200 à 300 euros. Ils ont en effet appris que la direction, qui n’arrivait pas à embaucher des mécaniciens avion aux salaires actuels, avait dû revoir fortement à la hausse ses propositions pour en recruter quelques-uns. Tout le monde s’est réjoui de ces embauches, car partout le personnel manque. Mais cela a aussi incité les mécanos à réclamer un rattrapage salarial, à essayer d’entraîner des mécanos des hangars et à faire connaître leur mouvement aux autres travailleurs de la compagnie.

Les mécanos se sont d’abord invités au comité d’entreprise de la Direction générale industrielle (DGI, un secteur où 8 000 ouvriers et techniciens entretiennent les avions), en décembre. Ils étaient plus de 300 et, sous leur pression, la direction a reçu une délégation, en faisant mine de l’écouter, et a fixé un rendez-vous pour la mi-janvier. Elle espérait que le mouvement retomberait d’ici là.

Cela n’a pas été le cas : il a continué durant les fêtes, ce qui a provoqué le retard de nombreux vols à Roissy, et il a même fallu en annuler, bien que la direction ait mobilisé ses cadres pour remplacer les grévistes.

D’autres catégories de personnel aussi

À Air France, la direction relayée par certains syndicats s’emploie depuis longtemps à diviser le personnel – selon qui est au sol ou pas et, chez les navigants, entre pilotes et PNC (hôtesses et stewards). Mais, fait notable, les syndicats de pilotes et la plupart de ceux des PNC ont affiché leur solidarité avec les mécanos.

Ceux-ci sont aussi entrés en contact avec d’autres catégories de mécanos, pour que la direction ne puisse leur faire remplacer des grévistes. Quand elle l’a tenté, ceux qu’elle a sollicités ont débrayé et revendiqué à leur tour un rattrapage de salaire de 200 euros par mois.

Ne pas se laisser diviser

Le 18 janvier, la direction devait recevoir une délégation de mécanos accompagnée de syndicalistes de Sud, majoritaire chez les ouvriers et techniciens. Elle a annulé ce rendez-vous la veille au soir, en disant vouloir pour négocier « un climat plus apaisé » que celui de la continuation du mouvement. Elle veut évidemment un climat lui permettant de négocier en position de force pour ne rien céder, sinon des miettes.

Vendredi 19 janvier, 80 mécanos ont distribué un tract, bien accueilli, aux employés du siège d’Air France. Et lundi 22 ils sont allés rencontrer leurs collègues à Orly, où ils ont tenu une assemblée rassemblant plus de 80 personnes.

Dans un autre secteur, celui du tractage de la DGI, les chauffeurs-convoyeurs d’avion ont fait grève, vendredi 19, suite à un appel des syndicats Sud, CGT et FO réclamant là aussi des hausses de salaire.

Un appel à la grève a été lancé pour le 26 janvier, une autre journée de négociations sur les salaires. La direction a avancé la date de ces négociations, qui se tiennent d’habitude en mars, car mi-février elle va devoir publier ses résultats annuels. Or elle sait que, même maquillés pour le grand public, ils apparaîtront encore très bons pour elle, ce qui pourrait nourrir le mécontentement actuel et, qui sait, le généraliser.

Cette crainte de la direction est visible. Et cela n’est pas sans rapport avec la timidité de certains syndicats face à ces mouvements pour l’heure dispersés. Leur volonté de ne pas mettre la direction d’Air France dans l’embarras explique que certains syndicats fixent un cadre sectoriel, voire corporatiste, au mécontentement et avancent la revendication d’augmentations hiérarchisées ou en pourcentage, au lieu de celle de 200 euros dans laquelle tout le personnel peut se reconnaître et se retrouver uni face à un même patron. Car c’est cela seul, et non le repli sur tel ou tel secteur, qui peut faire que tous et chacun forcent le patron à reculer.

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