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- Lutte ouvrière n°2987
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Dans le monde
Ukraine et Russie
la guerre, une aubaine pour certains
Trump se dit exaspéré des « discussions pour rien » avec Poutine. Il a donc reporté, sinon annulé, leur rencontre prévue à Budapest en novembre. Et le 22 octobre les États-Unis s’en sont pris au nerf de la guerre côté russe, en décidant de sanctions ciblées contre les grandes compagnies Rosneft et Lukoil, dont les exportations de gaz et de pétrole assurent le gros des rentrées en dollars du Kremlin.
Trump a dit « espérer que [ces mesures] ne durent pas trop ». Comprendre : il pourra les lever dès que Moscou se pliera à ce que Washington prévoit pour la suite du conflit en Ukraine. La réplique d’un lieutenant de Poutine, l’ex-président Medvedev, a été : « L’Amérique veut la guerre contre la Russie. » Mais en même temps, l’émissaire spécial de Poutine revenant des États-Unis a déclaré à la BBC qu’une nouvelle rencontre avec Trump était en bonne voie…
Souffler alternativement, voire simultanément, le chaud et le froid fait partie de la construction du rapport de forces. Les camps en présence appellent cela la diplomatie mais, sur le terrain, l’hécatombe se poursuit, fauchant toujours plus de vies des deux côtés.
Calumet de la paix et Tomahawk
Les rebuffades qu’essuie Poutine ne font pas entrevoir un cessez- le-feu de sitôt, mais ne font pas non plus les affaires de son homologue ukrainien. En effet, la Maison-Blanche vient de refuser à Zelensky les missiles à longue portée Tomahawk qu’elle lui avait laissé espérer il y a un mois, et Trump lui a répété qu’il devra céder des territoires à Moscou.
Alors, Zelensky s’est tourné vers ses soutiens de la « coalition des volontaires ». Ceux-ci l’ont assuré de l’aide militaire des pays ouest-européens afin que l’Ukraine reste « dans la position la plus forte possible, avant, pendant et après tout cessez-le-feu ». La Commission européenne prévoit en outre de consentir à Kiev un « prêt de réparation », qui lui permette d’acheter des armes aux industriels européens et américains – il ne faudrait pas oublier les affaires – et cela, au moins pour trois ans !
Mais, ont aussi déclaré les dirigeants européens et Zelensky : « Nous soutenons fermement la position du président Trump [sur la] cessation immédiate des combats et [sur le fait] que la ligne de contact actuelle », celle du front donc, « doit servir de base pour des négociations. »
En clair, les pays européens suivront ce que Trump décidera, y compris quant à certaines revendications territoriales russes, tout en armant l’Ukraine jusqu’aux dents. Et cela « avant, pendant et après tout cessez-le-feu ». En clair, ce sera jusqu’au dernier Ukrainien encore en état, accord de paix ou pas, de tenir une arme face aux Russes…
Mais ce qui fait le malheur du plus grand nombre peut faire le bonheur de quelques autres.
Des oligarques à la santé florissante
Ainsi, le Conseil des ministres d’Ukraine a décidé d’augmenter de 203 hrivnas (4,18 euros) le montant minimum des retraites pour montrer que « l’État prend soin de vous ». Or, plus de la moitié des retraités ont moins de 5 000 hrivnas (102,99 euros) par mois pour vivre ! Et en Ukraine, des millions de vieux travailleurs ont à peine de quoi ne pas mourir de faim, certains doivent même chercher leur pitance dans les poubelles.
En revanche, la cuvée 2025 des milliardaires de ce pays se présente bien, selon le magazine américain Forbes. Premier et de loin, Rinat Akhmetov, 390e fortune mondiale, dispose de près de 8 milliards de dollars. Ce magnat de la métallurgie et de l’énergie n’a guère souffert de voir certaines de ses usines détruites ou passer sous contrôle russe : il avait déjà abrité une partie de sa fortune dans des paradis fiscaux et on apprend que Kiev va indemniser les patrons d’entreprises bombardées. Cette situation souriante vaut pour ses suivants immédiats : comme Viktor Pintchouk, qui dispose de 3,2 milliards ; Petro Porochenko, le « roi du chocolat » et prédécesseur de Zelensky à la présidence du pays ; ou encore A. Verevsky, V. Novinsky et K. Jevago…
Côté russe, Forbes relève que le nombre des oligarques bat tous les records cette année : en 2025, ils sont 146, contre 125 il y a un an, 110 en 2023, etc. Leur fortune cumulée atteint 625 milliards de dollars, soit une fois et demie le montant du budget dont dispose le Kremlin. Cerise sur le gâteau : les oligarques ne sont imposés qu’à 13 ou 15 %… comme les travailleurs les plus pauvres ! En même temps, les classes populaires souffrent d’une inflation que les salaires ne suivent pas, des restrictions dues à la guerre et d’impôts en forte hausse – on vient d’introduire un barème progressif pour les salariés.
Zelensky et Poutine gouvernent chacun au profit des nantis de leur régime. Et ils n’ont guère à redouter que ces milliardaires, engraissés par les commandes militaires, les trafics que la guerre fait fleurir et le pillage du budget, poussent les sommets dirigeants, en Russie ou en Ukraine, à signer un accord de paix : ces parasites ont trop à gagner à la guerre, et à sa poursuite. Comme, ne l’oublions pas, nombre de financiers et d’industriels européens et américains.