France-Algérie : entre surenchères et intérêts bien compris19/11/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/11/une_2990-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

France-Algérie

entre surenchères et intérêts bien compris

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis près d’un an, vient d’être grâcié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Sa libération annonce-t-elle la fin de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, ouverte par la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ?

En octobre 2024, Boualem Sansal affirmait au média français d’extrême droite Frontières, dont il est membre, que les régions de l’Ouest algérien, comme Oran, auraient dû revenir au Maroc. Cela ayant provoqué la colère du régime algérien, il fut arrêté le 6 novembre à son arrivée à Alger et condamné à cinq ans de prison ferme pour « atteinte à l’unité nationale ». Il ne faisait que rejoindre des centaines de détenus d’opinion qui croupissent toujours dans les prisons algériennes. Et si Boualem Sansal a pu, et c’est tant mieux pour lui, retrouver sa liberté, ceux-là n’ont pas bénéficié du même soutien.

En effet, l’écrivain a pu trouver des appuis dans toute la classe politique française, en particulier auprès de l’extrême droite et de LR, qui se sont posés en défenseurs de la liberté d’expression. Pour tenter de gagner en popularité et s’imposer à la présidence de son propre parti, Bruno Retailleau, en tant que ministre de l’Intérieur, a fait le choix d’attiser les tensions avec l’Algérie. Début avril, alors que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, y était envoyé pour apaiser la crise et semblait en passe d’obtenir la libération de Sansal, Retailleau a même soufflé sur les braises en expulsant un agent consulaire algérien.

La surenchère xénophobe et anti-algérienne à laquelle se livrent LR et l’extrême droite a aiguisé et prolongé la crise diplomatique. Le vote du RN et de LR pour dénoncer l’accord franco-algérien de 1968, qui encadre la circulation et le statut des Algériens en France, illustre à quel point il s’agit d’une obsession historique de l’extrême droite et d’un thème que ses dirigeants espèrent électoralement porteur.

Macron, fragilisé depuis sa dissolution de l’Assemblée, a été incapable de mettre un terme à la zizanie qui s’est exprimée au sommet du pouvoir sur cette question et qui illustre l’incapacité de la classe politique française à trouver des solutions à ses propres crises. S’ajoutant au changement de ministre de l’Intérieur en France, la médiation du président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a permis la libération de Boualem Sansal et annonce une réactivation des relations franco-algériennes.

En fait, au-delà du bruit et des discours entretenus autour du sujet, il est vital pour les intérêts généraux de la bourgeoisie française que les relations reprennent. En un an, les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont reculé de 20 %, au profit de concurrents comme l’Italie et la Turquie. Les aboiements de Retailleau coûtent cher en pertes de marchés !

Par ailleurs, les discours vengeurs pouvaient compromettre la coopération entre les services de sécurité des deux pays, même si celle-ci n’a jamais cessé. Elle apparaît d’autant plus nécessaire aux uns et aux autres que la situation s’aggrave au Sahel et que les djihadistes du JNIM, affiliés à al-Qaïda, contrôlent un territoire de plus en plus vaste au Mali. Aussi bien pour l’Algérie, qui partage une longue frontière avec le Mali, que pour la France, qui y a semé le chaos après y avoir fait la loi, il semble sans doute nécessaire de cesser les surenchères, aucun des deux pays ne souhaitant voir surgir un califat qui déstabiliserait encore plus la région. Mais ce genre de raisons peut-il parvenir jusqu’à la cervelle d’un Retailleau ou d’un Bardella ?

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