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Face aux attaques du patronat et du gouvernement, le monde du travail relève la tête
Entre le 3 avril et le 19 juin, la France a connu la plus ample mobilisation sociale depuis le grand mouvement qui, fin 1995, s'était étendu à partir des cheminots à l'ensemble du secteur public.
Contrairement à 1995, la catégorie la plus mobilisée a été le personnel de l'Education nationale. Mais, à l'occasion des journées nationales appelées par les confédérations syndicales qui ont ponctué la période, d'autres secteurs des services publics ont rejoint le personnel de l'Education nationale.
Certaines de ces catégories, comme les travailleurs des transports urbains de grandes villes du pays, ceux de l'Equipement ou encore les cheminots et les postiers, sont restées par endroits mobilisées les jours entre les journées nationales d'action.
Certaines de ces manifestations ont entraîné des travailleurs d'entreprises privées, sans cependant que le mouvement touche, de façon significative, ces gros bataillons du monde ouvrier.
L'ensemble de ces grèves et de ces manifestations a touché à des degrés divers plusieurs millions de personnes, c'est-à-dire une fraction importante du monde du travail. En outre, du fait de ses objectifs non corporatistes, du fait de la volonté d'une partie des grévistes d'entraîner des travailleurs d'autres corporations que la leur, le mouvement est apparu comme l'expression agissante des intérêts de l'ensemble du monde des travailleurs. Malgré une intense propagande gouvernementale cherchant à diviser les travailleurs du service public et ceux des entreprises privées, en présentant les premiers comme des privilégiés, le mouvement a été marqué par l'aspiration à l'unité entre les différentes catégories de travailleurs. On a pu voir que, si les occasions sont rares de voir une telle unité, cette fois-ci les intellectuels que sont les enseignants ont eu la claire conscience que tous les travailleurs, intellectuels ou manuels, ont les mêmes intérêts.
La mobilisation n'a pas réussi à imposer au gouvernement l'objectif le plus unificateur du mouvement, à savoir le retrait du projet de loi Raffarin-Fillon contre les retraites. Mais, même dans ses limites, cette ample mobilisation a montré que les salariés pouvaient relever la tête après plusieurs années d'attaques patronales et gouvernementales contre leurs conditions d'existence.
En outre, malgré les cris de victoire du gouvernement et surtout de la majorité parlementaire à sa botte, rien ne dit que le mouvement soit terminé. Il se peut, et c'est en tout cas ce que peuvent souhaiter tous ceux qui sont dans le camp des travailleurs, que cette mobilisation ait été la première phase d'une mobilisation plus large, victorieuse cette fois.
On peut d'autant plus le souhaiter et agir dans ce sens qu'une fois la loi contre les retraites votée, le gouvernement continuera ses attaques. Chirac lui-même a annoncé la couleur : à partir de septembre, on peut s'attendre à une attaque en règle contre les travailleurs avec pour prétexte le déficit de la Sécurité sociale. On peut en annoncer le contenu : il s'agira soit de faire cotiser davantage les travailleurs, soit de réduire le montant des prestations sociales et des remboursements de médicaments et, plus probablement encore, des deux à la fois.
Des attaques en rafales contre les classes populaires...
A peine Chirac a-t-il été installé à la présidence de la République et Raffarin à la tête du gouvernement que le gouvernement a développé un activisme anti-ouvrier intense.
Certaines de ces mesures reflètent l'obéissance directe à des exigences ou des desiderata du grand patronat ou des classes privilégiées. D'autres mesures, comme la démagogie sécuritaire, les lois répressives contre les pauvres ou les travailleurs immigrés, sont indifférentes au grand patronat et sont destinées surtout à plaire à l'électorat de droite et d'extrême droite (il est vrai que les deux aspects se recoupent souvent).
Les mesures qui aggravent les conditions d'existence de l'ensemble des travailleurs ou de certaines catégories plus vulnérables et moins à même de se défendre que d'autres ont été multiples. Certaines ont été largement commentées par les médias. D'autres ont été des décisions administratives discrètes. Elles peuvent sembler bien souvent sans rapport les unes avec les autres. Et, cependant, toutes ces mesures ont une orientation commune et un objectif identique. Il s'agit systématiquement de réduire la part du monde du travail dans le revenu national au profit de la classe capitaliste.
Le gouvernement actuel n'est certes pas le premier à agir ainsi. Depuis plus de vingt ans, tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont suivi cette orientation. Le résultat est là : durant ces années, même d'après les statistiques officielles, la part des salariés dans l'ensemble des revenus du pays par rapport à la part de ceux qui vivent des revenus du capital, c'est-à-dire, directement ou indirectement, de l'exploitation des travailleurs, a baissé de façon régulière.
Mais, bien au-delà des statistiques et de leur sécheresse, toutes les familles ouvrières savent que, si la vie n'a jamais été rose pour l'ensemble des travailleurs, elle s'est dégradée de façon dramatique pour beaucoup au cours du quart de siècle passé. Un quart de siècle pendant lequel le chômage s'est généralisé au point de toucher, avec des hauts et des bas, directement ou indirectement, la majorité des familles ouvrières.
Les différentes formes de contrats précaires, qui constituaient naguère plutôt l'exception, se sont généralisées et tendent à devenir la règle. Les périodes de chômage et la précarité ont entraîné une baisse importante des salaires, bien plus encore que leur blocage pour ceux qui ont conservé un emploi stable. Nombre des protections sociales mises en place au temps où le chômage était faible ont été supprimées.
Face à un patronat qui, du fait du chômage, se sent en position de force, les travailleurs au sens large, c'est-à-dire comprenant bien sûr aussi les retraités et les chômeurs, n'ont jamais été défendus par le gouvernement en place, quelle qu'ait été sa couleur politique. Bien au contraire ! Tous les gouvernements ont été exclusivement préoccupés d'aider le patronat sous prétexte d'aider les entreprises, et jamais de protéger les travailleurs contre l'avidité patronale.
Le gouvernement Chirac-Raffarin est bien dans la lignée des autres. Mais il mène sa politique anti-ouvrière avec une agressivité haineuse qu'il ne se donne même pas la peine de cacher.
Le Parti socialiste et le Parti communiste, maintenant qu'ils sont dans l'opposition, essaient de tirer profit de l'arrogance gouvernementale pour redorer leur propre blason. Leurs critiques, surtout celles des dirigeants socialistes, se concentrent d'ailleurs pour ainsi dire uniquement sur la brutalité dans la méthode, et guère sur le fond de la politique du gouvernement Raffarin. Pour la bonne raison que cette politique est dans la continuité de celle qu'ils ont menée lorsqu'ils étaient au gouvernement et qu'ils mèneraient si, d'aventure, ils y revenaient. Bien des mesures anti-ouvrières du gouvernement actuel ont été préparées dans les ministères sous le gouvernement Jospin.
Là aussi, l'attaque contre les retraites est un exemple significatif : bon nombre de dirigeants du Parti socialiste, comme Rocard, Delors ou Charasse, ont déclaré qu'ils auraient voté le projet de loi anti-ouvrier de Raffarin-Fillon.
Le gouvernement de la droite étale avec d'autant plus de cynisme son arrogance anti-ouvrière qu'il bénéficie au Parlement d'une majorité écrasante et que le président de la République, Chirac, a été élu avec un pourcentage digne d'une dictature africaine. Mais qui peut oublier la responsabilité du Parti socialiste et, accessoirement, du Parti communiste et des Verts dans l'élection triomphale de Chirac ?
Associés au sein du gouvernement Jospin, ces partis ont mené pendant cinq ans une politique anti-ouvrière qui a foulé aux pieds tous les espoirs du monde du travail. Ce sont les trahisons de ces espoirs par le gouvernement de la gauche plurielle et, en particulier, son incapacité à mettre fin au chômage et à ses conséquences, qui ont dégagé le terrain pour le retour de la droite et de l'extrême droite. Les dirigeants du Parti socialiste, du Parti communiste et des Verts ont parachevé leur oeuvre de démoralisation en appelant à voter pour Chirac. Le prétexte choisi, ne pas laisser Le Pen arriver au pouvoir, était un mensonge grossier, puisque tout le monde savait que Le Pen n'avait aucune chance d'être élu : Chirac aurait, de toute façon, été élu avec les seuls votes de l'électorat de la droite classique.
Comment oublier, aujourd'hui, lorsque Chirac et son gouvernement multiplient les coups contre les travailleurs, que Chirac a été élu aussi par les dirigeants du Parti socialiste et du Parti communiste ? Chirac ne se gêne d'ailleurs pas pour le rappeler et revendiquer pour sa majorité présidentielle tous les votes qui se sont exprimés sur son nom.
Sous prétexte d'assouplir la loi Aubry sur les 35 heures, une nouvelle loi a repris tous les aspects favorables aux patrons et néfastes pour les travailleurs. Elle a repris l'annualisation du temps de travail, la flexibilité des horaires au gré des besoins des patrons. Mais, en plus, elle a supprimé la réduction du temps de travail pour les salariés des petites et moyennes entreprises. Plus de trois millions de travailleurs restent donc aux 39 heures, tout en subissant les inconvénients de la loi Aubry modifiée Fillon qui autorise les patrons à imposer davantage d'heures supplémentaires sans repos compensateur. Avec l'annualisation, ces heures supplémentaires ne sont même pas décomptées par semaine. Ce qui fait que le patron peut imposer des semaines de 40 ou 42, voire 50 heures, lorsque cela l'arrange, sans même payer d'heures supplémentaires si, au bout de l'année, le contingent légal d'heures de travail n'est pas dépassé. Et, dans les entreprises de moins de vingt salariés, les heures supplémentaires ne sont plus majorées qu'à 10 % au lieu de 25 %.
Mais, en revanche, le gouvernement continue à prélever sur le budget les dizaines de milliards d'euros accordés aux patrons par la loi Aubry en compensation des 35 heures... que les patrons n'ont même plus à vraiment appliquer !
Dès son installation, le gouvernement s'en est pris au SMIC. Là encore, il a utilisé la brèche ouverte par le gouvernement Jospin. Celui-ci, pour ne pas brusquer les patrons, avait refusé d'augmenter le SMIC dans l'ensemble. Au lieu de cela, il avait créé six SMIC mensuels différents, dépendant du moment où le smicard passait aux 35 heures. Sous prétexte d'harmoniser ces différents SMIC, cette harmonisation consiste à freiner la progression de celui des six SMIC dont le montant est le plus élevé jusqu'à ce que les coups de pouce donnés au SMIC le plus bas finissent par le rattraper.
Cela a permis, de surcroît, au gouvernement de se vanter d'une augmentation de 5 % du SMIC alors que ce pourcentage ne concerne que le SMIC le plus bas. Mais, pour ce qui est des autres SMIC, c'est une façon de bloquer les salaires de travailleurs déjà mal payés. C'est d'autant plus inadmissible que, contrairement à ce qu'indiquent ses initiales, c'est-à-dire Salaire Minimum, le SMIC n'est plus depuis longtemps un salaire minimum. Trois millions de travailleurs réduits à la précarité ou au temps partiel imposé gagnent bien moins que les 1 154,27 euros du SMIC, qui est devenu en fait un salaire moyen concernant deux millions sept cent mille travailleurs.
Nous ne reprendrons pas ici toutes les lois votées et toutes les mesures prises, d'autant que nombre de ces mesures disparaissent dans l'anonymat des mesures administratives mais qui ont toutes en commun soit de réduire un peu plus les moyens d'existence des classes populaires, soit d'humilier les couches les plus pauvres. Certaines de ces mesures, comme par exemple la diminution de l'allocation aux personnes âgées, pour ne pas concerner tout le monde, n'en représentent pas moins un véritable drame pour les familles concernées.
... pour favoriser la bourgeoisie
Ces mesures contrastent avec d'autres qui représentent de véritables cadeaux pour le grand patronat et les actionnaires des entreprises ou pour les membres de la classe possédante en tant qu'individus.
La réduction de l'impôt sur le revenu, dont Chirac se vante tant, est avant tout un cadeau aux plus riches. D'abord parce que cette mesure ne concerne pas cette moitié de la population dont les salaires sont tellement bas qu'elle n'est pas assujettie à l'impôt sur le revenu. Ensuite parce qu'un même pourcentage de baisse d'impôt ne représente qu'un petit allégement pour un salarié imposable, mais représente une somme considérable pour un milliardaire.
Au-delà de l'impôt sur le revenu, c'est l'ensemble du budget qui est clairement anti-populaire.
Moins d'argent pour les services publics indispensables à la majorité de la population, plus d'argent pour les patrons et les classes aisées. On ôte aux plus pauvres ce qu'on donne aux plus riches.
Et même dans les dépenses publiques, les choix vont à l'encontre des intérêts des classes populaires.
Alors qu'il manque des logements corrects à des loyers abordables, on va construire un porte-avions nucléaire. Alors que les hôpitaux sont laissés dans une situation catastrophique, c'est à des sous-marins supplémentaires que l'on consacrera de l'argent. Moins de lits pour les malades dans les hôpitaux, mais des chars Leclerc en plus. Des maternités, des crèches, des garderies en nombre insuffisant, mais bourse ouverte pour Dassault pour qu'il construise un prototype d'avion sans pilote pour l'armée. Sans parler des interventions militaires en Afrique pesant leur lot de morts et leurs millions d'euros.
Le gouvernement supprime plusieurs milliers d'emplois d'éducateurs et de surveillants dans les écoles, mais il a envisagé, pour se rétracter ensuite devant l'indignation, d'infliger une amende, allant jusqu'à 2 000 euros, aux familles des élèves coupables d'absences répétées et injustifiées. Au lieu de se donner les moyens d'éduquer les enfants des classes populaires, on punira les parents.
Par le budget de l'État, c'est-à-dire les impôts, on prétend permettre une certaine redistribution des richesses, une certaine correction des inégalités sociales par le biais des services publics. Mais, pour détourner toujours plus l'argent de l'État vers le patronat, c'est sur les services publics qu'on fait des économies.
Les attaques contre les services publics, cela fait partie des attaques contre les classes populaires. Car, lorsqu'on réduit le nombre d'éducateurs ou de surveillants, lorsqu'on limite le nombre d'enseignants, on sait que ce sont les écoles des quartiers populaires qui en subiront surtout les conséquences. Alors que, dans la réalité, c'est précisément à ces écoles qu'il faudrait donner davantage de moyens, davantage de personnel, afin que l'Education nationale puisse compenser ne serait-ce qu'un peu tous les handicaps dont cette société d'exploitation charge les enfants des couches les plus défavorisées.
Lorsqu'on pousse les transports publics ou, dans un tout autre ordre d'idées, les services postaux vers plus de rentabilité, cela signifie encore qu'on favorise ce qui rapporte, c'est-à-dire ce qui sert aux classes aisées, et qu'on laisse à l'abandon ce qui est indispensable aux couches les plus pauvres. Ce sont les plus démunis qui subissent les conséquences de la suppression des lignes dites secondaires à la SNCF, de l'insuffisance des trains de banlieue ou de la fermeture de gares. C'est pour eux et, en particulier, pour les plus âgés que la vie est rendue plus difficile parce qu'on ferme un bureau de poste de quartier ou que l'on supprime des cabines téléphoniques dans les villages ou dans les quartiers populaires.
Puis est venue l'attaque contre les retraites, annonçant celle contre l'assurance maladie.
Cette succession d'attaques venant du gouvernement a occulté le reste. C'est essentiellement contre le gouvernement que se sont produites les grèves et manifestations de ces derniers mois.
Mais, pendant que les ministres occupaient le devant de la scène, le patronat continuait son offensive contre le monde du travail sur un terrain particulièrement douloureux, celui des licenciements collectifs et leur conséquence, l'accroissement du nombre de chômeurs.
Les licenciements collectifs
De toutes les attaques contre la classe ouvrière, ce sont les licenciements collectifs qui ont les conséquences les plus catastrophiques. Pour les licenciés eux-mêmes et pour leur famille en premier lieu, pour qui le licenciement est souvent le début de la pauvreté et, pour certains, la plongée dans la misère.
Lorsqu'une entreprise procède à des licenciements collectifs et, à plus forte raison, lorsqu'elle ferme, c'est la vie de centaines de travailleurs qui bascule, c'est toute une ville ou une région qui se transforme en désert industriel.
Or, les licenciements collectifs se multiplient. Ils sont le fait aussi bien d'entreprises faisant partie de grands groupes financiers, aux profits et à la trésorerie florissants, que d'entreprises petites et moyennes à qui la concurrence, conséquence d'une économie de marché imprévisible et stupide, met le couteau sous la gorge.
Depuis quelque deux ans, le chômage augmente inexorablement, après quelques mois où il a un peu diminué. Les statistiques recensent 2,4 millions de chômeurs. En fait, il y en a bien plus, tellement les statistiques ont été manipulées par tous les gouvernements pour cacher l'étendue du sinistre.
Mais c'est un désastre, d'autant qu'aux chômeurs complets s'ajoutent tous ceux, au moins trois millions, que l'on ne considère plus comme des chômeurs alors pourtant qu'ils n'ont que des emplois occasionnels, précaires et mal payés.
En fait, quelque 8 millions de personnes sont considérées dans ce pays comme vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Le seul fait que, dans un des pays les plus riches du monde, un de ceux aussi où se concentrent les capitaux, une personne sur dix soit rejetée de la production et de la possibilité de gagner sa vie et qu'une sur sept, enfants compris, soit obligée de vivre dans la pauvreté, constitue la condamnation du système capitaliste.
Les conséquences du chômage sont d'autant plus graves qu'il est durable. Dans nombre de régions, un travailleur sur cinq, voire plus, est au chômage depuis des années et sans aucun espoir de retrouver du travail à plus ou moins brève échéance. Les familles frappées ont épuisé toutes leurs réserves, et même lorsqu'elles gardent leur logement, elles s'installent définitivement dans la misère, avec toutes les conséquences que cela implique pour leurs enfants. Nombre de quartiers populaires se sont transformés en ghettos pour pauvres. Ils constituent le terreau de trafics de toutes sortes, de la violence et de l'insécurité pour leurs habitants. On ne peut commencer à résoudre aucun des multiples problèmes des quartiers populaires sans mettre fin au chômage et sans assurer à tous un emploi correctement payé.
Et le poids du chômage pèse sur tout le monde, y compris sur ceux des travailleurs qui n'ont pas de chômeurs dans leur famille. Car la pression du chômage renforce le patronat et lui facilite la tâche pour freiner les salaires, pour remplacer les travailleurs en contrat à durée indéterminée par des travailleurs précaires ou pour augmenter le rythme du travail.
Depuis l'aggravation du chômage, c'est-à-dire depuis près d'un quart de siècle, il n'y a pas un gouvernement qui n'ait prétendu que combattre le chômage faisait partie de ses priorités. Mais, en réalité, "combattre le chômage" n'a jamais été autre chose pour les majorités successives qu'un slogan électoral et pour les gouvernements successifs qu'un prétexte pour faire des cadeaux au grand patronat.
C'est au nom de la création d'emplois qu'on diminue les charges sociales des entreprises au détriment des rentrées de la Sécurité sociale, qu'on accorde des allégements fiscaux aux entreprises aux dépens des recettes du budget.
C'est encore au nom de la nécessité de créer des emplois que l'État central comme les niveaux intermédiaires (région, département, voire commune) accordent des subventions aux entreprises.
Le résultat est là : si le nombre de chômeurs a diminué quelque peu à certaines périodes, c'est uniquement lorsqu'une meilleure marche des affaires a incité les patrons à embaucher. Encore que, faut-il le rappeler, les périodes de diminution du nombre de chômeurs ont été aussi des périodes d'accroissement du nombre de précaires.
Mais, en réalité, le chômage n'a pas diminué, et on s'achemine de nouveau vers trois millions de chômeurs officiellement recensés.
C'est que les patrons n'embauchent que s'ils ne peuvent pas faire autrement, c'est-à-dire s'ils risquent de rater des marchés juteux sans le nombre nécessaire d'ouvriers pour produire. Et encore faut-il qu'ils soient optimistes pour l'avenir ! Sinon, ils se contentent d'embaucher pour ainsi dire au jour le jour, ce que l'évolution de la législation permise par les gouvernements rend de plus en plus facile.
Mais, plus généralement, le chômage est une des conséquences inhérentes à l'organisation capitaliste de l'économie. Il ne disparaîtra "naturellement" que dans une société où le profit privé ne sera plus le moteur de l'économie. Dans une société où ce ne seront pas les groupes financiers qui monopoliseront la propriété des entreprises, avec le droit de décider dans le secret des conseils d'administration que l'on ferme une usine ici, que l'on supprime des milliers d'emplois ailleurs, parce que c'est "rentable", c'est-à-dire profitable aux propriétaires et aux gros actionnaires des entreprises. Dans une société où les grandes entreprises de l'industrie et de la distribution appartiendront à la collectivité, il sera naturel que tout le monde travaille et participe au bien-être de la collectivité et que les biens ainsi produits soient répartis entre tous de façon rationnelle et juste.
Vaincre définitivement le chômage n'est possible qu'à condition de mettre fin à la société d'exploitation.
Il est cependant nécessaire et possible de combattre le chômage, car il en va de l'emploi comme des salaires : dans le cadre de l'organisation actuelle de l'économie et de la société, leur importance est liée au rapport de forces. Lorsque la classe capitaliste a affaire à une classe ouvrière qui n'est pas en situation de se défendre et de contre-attaquer, la classe capitaliste a tendance à faire des économies sur le dos de la classe ouvrière en pesant à la fois sur les salaires et sur l'emploi, c'est-à-dire en cherchant à faire faire le maximum de travail par le moins possible de travailleurs.
Mais, en revanche, même en cette période où les capitalistes se plaignent de la stagnation des affaires, ils disposent de possibilités financières énormes. Les profits réels des grands groupes industriels et financiers restent à un niveau élevé. Depuis des années, ces profits sont utilisés par les groupes industriels et financiers à se racheter, les uns aux autres, les usines ou encore et c'est lié à nourrir les circuits spéculatifs.
Eh bien, une partie au moins de ces profits pourrait être utilisée pour maintenir les emplois existants, c'est-à-dire éviter les licenciements collectifs, et même pour créer des emplois nouveaux.
Ce choix-là, aucun capitaliste individuel et encore moins la classe capitaliste dans son ensemble ne le feront spontanément, c'est-à-dire sans qu'ils y soient obligés par un rapport de forces tel qu'ils craignent de tout perdre en résistant aux revendications ouvrières.
Des problèmes du monde du travail aussi différents que la faiblesse des salaires et des retraites et le chômage ont une solution commune : créer un rapport de forces susceptible de faire reculer le patronat et le gouvernement. Et c'est là où, en relevant la tête, fût-ce pour le moment d'une manière encore limitée, les travailleurs ont ouvert la seule perspective qui leur permette de renverser la marche défavorable des choses.