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L'économie capitaliste mondiale en 2006
29 octobre 2006
Texte approuvé par 97 % des délégués présents au congrès.
La conjoncture économique n'a pas beaucoup changé depuis l'année dernière, ni dans la réalité ni dans la façon dont elle est présentée par les dirigeants politiques de la bourgeoisie et ses économistes.
Cette année, c'est l'économiste en chef du FMI, Raghuram Raja, qui se félicite que «le monde connaît la période d'expansion (...) la plus forte depuis le début des années soixante-dix»(Les Echos, 15 et 16 septembre 2006).
Ce qu'ils appellent «la croissance mondiale» serait tiré par les dépenses des ménages américains et la part croissante de la Chine dans le commerce mondial ainsi que par ses placements d'argent aux États-Unis.
Tout au plus, certains commentateurs mettent-ils un bémol à leur optimisme en soulignant que les dépenses de consommation américaine -celles en l'occurrence de la vaste petite bourgeoisie- sont, depuis plusieurs années, basées sur le crédit facile et donc sur l'endettement des particuliers. Les crédits abondants consentis par les banques sont, de leur côté, garantis par les cautions hypothécaires, c'est-à-dire par la valorisation largement spéculative des prix de l'immobilier. Seulement, voilà : la bulle spéculative de l'immobilier est sans doute en train de se dégonfler.
«L'atterrissage en douceur» espéré par les commentateurs exprime leur souhait que l'arrêt de la montée des prix de l'immobilier, voire leur recul, ne soit pas trop brutal et qu'il ne se traduise pas par une incapacité de rembourser les crédits entraînant une crise bancaire.
A la surprise des économistes de la bourgeoisie, même la montée des prix du pétrole, quasi continue jusqu'à l'été 2006 où ils ont commencé à reculer, n'a pas compromis la croissance des profits. Il faut croire que, si la hausse des prix du pétrole s'est traduite par des prélèvements supplémentaires sur les coûts des entreprises, ces prélèvements ont été compensés, et au-delà, par un accroissement de l'exploitation des travailleurs.
Ainsi, l'économie mondiale est toujours dans ce cycle dit de croissance commencé en 2002, dont on peut dire, comme l'an passé, que la croissance est essentiellement celle des profits, sans une augmentation significative des forces productives, où l'accroissement de la production pour des marchés en expansion -liés principalement à l'informatique et à la téléphonie mobile ou, encore, l'industrie du luxe-ne compense pas le déclin dans des secteurs plus anciens. D'où les usines qui ferment et un chômage massif.
Rappelons cependant que le cycle précédent où la croissance était de même nature s'est terminé par la crise boursière de 2001-2002 et, en particulier, la chute des actions de la prétendue nouvelle économie.
Au-delà de ses manifestations diverses -crise monétaire, crise pétrolière, crise boursière, crise de production-, la longue période de stagnation ou de progrès poussif de la production qui caractérise l'économie capitaliste depuis le début des années soixante-dix a eu pour origine le mouvement de baisse du taux de profit, annoncé depuis le milieu des années soixante, expression de la crise de l'économie capitaliste. Comme toutes les crises de l'économie capitaliste, cette crise s'est traduite par une baisse des investissements, par des licenciements et des fermetures d'entreprises, faisant s'envoler le nombre des chômeurs, par le blocage des salaires.
Les politiques d'austérité engagées alors par tous les gouvernements à l'échelle du monde étaient destinées à aider la classe capitaliste à rétablir le taux de profit en enlevant, progressivement ou brutalement, tous les obstacles légaux susceptibles de freiner l'exploitation. Les politiques d'austérité avaient également pour objectif de consacrer une part croissante du budget de l'État à aider la classe capitaliste, quitte à réduire tous les postes du budget finançant autre chose, les services publics notamment.
A partir, disons, des premières années quatre-vingt, le taux de profit s'est mis à augmenter de nouveau, pour atteindre et dépasser, vers la fin des années quatre-vingt-dix, le taux de profit d'avant la crise.
Dans le capitalisme plus ou moins concurrentiel, le rétablissement du taux de profit finit par entraîner un regain des investissements productifs, la création d'emplois, donc la diminution du chômage et une nouvelle période de croissance de la production elle-même -jusqu'à la crise suivante.
Rien de tel depuis une bonne trentaine d'années. Plusieurs fluctuations cycliques se sont succédé, mais aucune n'a débouché sur une reprise déterminante des investissements et le chômage est resté à un niveau élevé dans tous les pays impérialistes.
Ce n'est pas un mécanisme économique impersonnel qui a conduit au rétablissement du taux de profit, mais l'offensive conjointe du patronat et des États. Les attaques ont été multiformes, ont varié au fil du temps et, dans une certaine mesure, en fonction de la situation de chacun des pays. Pour des raisons évidentes -leur puissance économique et le rôle du dollar dans l'économie mondiale-, les États-Unis peuvent, dans une certaine mesure, rejeter certaines conséquences de la crise sur les pays impérialistes moins puissants et s'en sortir mieux. Les pays impérialistes dans leur ensemble ont rejeté, sous des formes diverses, certaines conséquences de leur propre crise sur des pays sous-développés. Ce qu'a fait, par exemple, la France en dévaluant le franc CFA, ce qui s'est aussitôt traduit par une dégradation brutale pour les classes populaires dans les pays africains, anciennes colonies, et par une amélioration de la position concurrentielle des entreprises françaises implantées en Afrique.
Ce qui représente, cependant, une constante dans cette évolution, c'est l'abaissement continu de la part des salaires par rapport aux revenus du capital, aussi bien en raison de la baisse des salaires réels qu'en raison de la réduction du nombre de salariés du fait du chômage.
La bourgeoisie a mis à profit partout le rapport de forces qui lui était favorable en raison des conséquences du chômage croissant sur le moral de la classe ouvrière et en raison de la trahison des partis qui avaient une influence politique dans la classe ouvrière et qui ont, tous, cautionné cette évolution, partis staliniens compris.
Il est utile de rappeler l'inflexion de l'attitude de la bourgeoisie et de son État face à la crise intervenue au début des années quatre-vingt, entre une première phase marquée par des investissements de l'État destinés à suppléer les investissements privés et des aides aux capitalistes financées par la planche à billets, et donc une forte inflation, et une deuxième phase où l'inflation a été dans une large mesure, sinon jugulée, du moins atténuée. Cette inflexion n'a pas atténué la guerre du grand capital contre les classes populaires. Elle a cependant considérablement renforcé la domination du capital financier par rapport au capital industriel.
L'emballement inflationniste de la première phase de la crise, s'il avait pour la classe capitaliste l'avantage de réduire le pouvoir d'achat des salaires, avait aussi l'inconvénient de miner le taux d'intérêt réel, celui que rapporte un capital placé, une fois déduit le taux de l'inflation. Cet aspect était préjudiciable aux activités financières, sans même parler des problèmes posés au commerce international par les rythmes différents de l'inflation dans les différents pays et par les variations du taux de change que cela pouvait entraîner.
Remplacer le recours à la planche à billets par des emprunts auprès du système financier pour combler le déficit du budget offrit à la classe capitaliste des possibilité accrues de placer son argent -qu'elle ne pouvait ni ne voulait investir dans l'activité productive-en bons du Trésor ou dans l'un ou l'autre des multiples titres qui représentaient une fraction de la dette de l'État ou des collectivités locales.
Il s'en est suivi, au bas mot depuis vingt ans, l'accroissement incessant de l'endettement des États, de tous les États, à commencer par le plus puissant d'entre eux, les États-Unis. Une fois mis en place, le système fonctionne tout seul : le service de la dette absorbe une part croissante des recettes des États, ces derniers étant obligés d'emprunter de nouveau pour faire face à leurs échéances. Les différents titres représentant les dettes publiques nourrissent en permanence les marchés financiers.
La dérégulation et le décloisonnement, c'est-à-dire la suppression de toute délimitation légale entre les fonctions respectives des banques, des compagnies d'assurance et des entreprises industrielles ou commerciales, font que toutes les entreprises ont accès au marché financier, peuvent y prêter ou emprunter de l'argent, acheter ou vendre des bons du Trésor et des titres financiers divers.
De nouveaux organes financiers sont apparus ou ont connu un développement fulgurant : fonds d'investissement, fonds de pension, fonds spéculatifs, etc., spécialisés dans l'intervention sur les marchés financiers pour y réaliser des profits financiers qui semblent déconnectés de tout lien avec l'activité productive.
Cette évolution a engendré la financiarisation de l'ensemble de l'économie, dont nous avons amplement parlé dans le passé, et la position dominante acquise par le capital financier par rapport au capital industriel. Il s'agit certes de deux expressions d'un même capital, mais leurs fonctions sont différentes, avec des conséquences majeures sur le fonctionnement de l'ensemble de l'économie. La phase actuelle dite de croissance se déroule sur la base de ces évolutions antérieures. Elle ne diffère des phases précédentes, en particulier de celle qui s'est achevée par la crise boursière de 2001-2002, que par le fait que les capitaux accumulés sont plus grands encore et que leurs placements et déplacements d'une région de la planète à une autre, en fonction de la profitabilité même à très court terme, sont plus faciles encore grâce à un réseau financier qui enserre le monde avec des instruments de spéculation dont le nombre ne cesse de croître.
Sur le fond, la domination du capital financier sur le capital industriel est aussi vieille que l'impérialisme. Lénine le soulignait déjà dans L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme : «Le propre du capitalisme, en règle générale, est de séparer la propriété du capital et son application dans l'industrie ; de séparer le capital-argent et le capital industriel ou productif ; de séparer le rentier ne vivant que du revenu qu'il tire du capital-argent, et l'industriel, ainsi que tous ceux qui participent directement à la gestion des capitaux. L'impérialisme ou la domination du capital financier est ce degré suprême du capitalisme, quand cette séparation atteint des proportions formidables. La suprématie du capital financier sur toutes les autres formes du capital signifie l'hégémonie du rentier et de l'oligarchie financière, la situation à part pour un petit nombre d'États financièrement "puissants