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- Lutte de Classe n°17
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L'unité arabe : lorsque les intérêts nationaux des bourgeoisies arabes ne s'y opposent pas, l'impérialisme y met son veto
Le 12 janvier dernier, le Président tunisien, Habib Bourguiba, et le colonel Kadhafi, chef de l'État libyen, annonçaient leur décision d'engager un processus de fusion entre les deux pays dans des délais brefs. Deux jours plus tard, le limogeage du ministre des affaires étrangères tunisien Masmoudi, artisan de ce projet de fusion, le remettait en cause.
Officiellement, le projet reste en suspens. Et la décision tuniso-libyenne a remis à l'ordre du jour, comme l'actualité le fait de façon chronique, le problème de la fusion des États du Moyen-Orient.
Car la fusion de ces États n'est pas une simple lubie du colonel Kadhafi. Son projet de fusion avec la Tunisie n'est pas une simple coquetterie d'amoureux déçu, le faisant se tourner vers Habib Bourguiba après que Anouar El Sadate, au mois de septembre dernier, ait obstinément refusé ses avances, en s'opposant à ce que le projet de fusion Libye-Égypte ne passe dans les faits.
En fait, la plupart des pays sous-développés sont bien loin de constituer géographiquement, territorialement, humainement, un cadre suffisant pour le développement, même limité, d'un marché capitaliste permettant une survie économique. Et parmi les hommes politiques de la bourgeoisie de ces pays, nombreux sont ceux qui se rendent compte de la nécessité d'élargir les frontières nationales, au besoin par la fusion ou l'absorption d'États voisins, pour créer des ensembles économiquement viables. Et ce fait n'est nullement limité aux États des pays sous-développés : il suffit de rappeler que les États européens eux-mêmes, où depuis longtemps déjà, les forces productives étouffent dans le cadre rigide des frontières nationales, ont éprouvé le besoin, depuis 1957, d'engager un processus de fusion économique devant conduire, en principe, à la construction d'une Europe unifiée. Et le fait que, quatorze ans après, cette fusion économique n'ait guère avancé, remettant aux calendes la fusion politique, n'empêche pas que ce projet résulte pour les hommes politiques européens, d'une nécessité pressante. Ils ressentent, tout simplement, le fait que les forces productives modernes, dans les pays capitalistes avancés, ont besoin d'un marché bien plus vaste que le marché des États nationaux constitués au siècle dernier.
Bien que l'insuccès semble bien être la caractéristique commune de ces projets de fusion, ceux-ci n'en reviennent pas moins, périodiquement, à l'ordre du jour. En ce qui concerne, en particulier, les pays arabes, la liste des projets - et des échecs - est déjà longue : ainsi, on a connu la fusion entre la Syrie et l'Égypte en 1958, qui aboutit à l'éclatement en 1961, la tentative d'union égypto-yéménite à la même époque, sans plus de succès, le projet d'union « totale et complète » entre l'Égypte et la Libye, devant devenir réalité le 1er septembre 1973, et qui reste lettre morte. En dehors du monde arabe, la tentative de fusion entre le Sénégal et l'ex-Soudan français en 1959, au sein du Mali, aboutit de la même façon, l'année suivante, à un éclatement.
C'est que, dans de tels pays, un certain nombre de facteurs convergent pour faire naître de tels projets d'union politique. Les États d'Afrique et du Moyen-Orient -et même d'Amérique latine se sont formés après le départ de la puissance coloniale. Les frontières tracées, bien souvent, ne correspondent nullement à un fait national réel, mais aux délimitations arbitraires fixées par les puissances coloniales. Il en est ainsi des frontières des ex-colonies françaises d'Afrique, mais aussi, bien qu'à un moindre degré, des frontières des États du Moyen-Orient. Les frontières égypto-libyenne, ou tuniso-libyenne, correspondent bien plus aux anciennes lignes de partage des impérialismes anglais, italien et français, qu'aux limites de communautés nationales bien distinctes. Ainsi, l'impérialisme, en se retirant, a légué aux faibles bourgeoisies qui s'étaient développées dans son ombre, un appareil d'État et des frontières fixant un cadre à leurs tentatives d'essor national.
Mais ce cadre légué par l'impérialisme est bien loin d'être le meilleur du point de vue du développement économique du Moyen-Orient. Aux circonstances générales qui favorisent le maintien du sous-développement de cette région du monde, il vient en ajouter d'autres, par le cloisonnement en un certain nombre d'États d'autant plus faibles face à l'impérialisme, pris individuellement, qu'ils sont plus nombreux, et tendent à se concurrencer.
Le cloisonnement en petits États concurrents favorise les relations « verticales » de ces États avec l'impérialisme, au détriment des relations « horizontales », à l'intérieur de la société moyen-orientale elle-même. Il favorise le jeu des différents impérialismes, cherchant à diviser pour régner, à profiter de la division en différents États pour passer des marchés séparés, diversifier leurs approvisionnements, jouer tel État plus lié à l'impérialisme contre tel autre qui l'est moins. Un tel jeu affaiblit dans leur ensemble les classes dirigeantes de cette région du monde face à l'impérialisme, tend à les maintenir à l'état de simple intermédiaire de celui-ci, amoindrit encore leurs chances de parvenir à un développement indépendant un tant soit peu important.
Dans de telles conditions, il était normal que naisse, dans la petite bourgeoisie nationaliste, un projet « d'unité arabe », tout comme certains avaient proposé dans les années où les états d'afrique parvenaient à l'indépendance, « i'unité africaine ». et les projets de fusion que kadhafi met maintenant en avant, au nom d'une vague idéologie panislamique, ne sont que la suite des différents projets de la « grande époque » du nassérisme. ils représentent le même type de projet politique. nasser, en levant le drapeau du panarabisme, proposait un processus conduisant à la création d'un état arabe unifié, afin de renforcer les faibles bourgeoisies arabes face à l'impérialisme, de les fondre en une seule, de se donner les moyens de faire naître un marché capitaliste au moyen-orient, permettant un large développement de la bourgeoisie, indépendamment de l'impérialisme. sortes de jacobins arabes du xxe siècle, nasser hier, puis aujourd'hui kadhafi qui ne fait que reprendre ses thèmes, proposent au fond aux bourgeoisies arabes de réaliser leur unité nationale, malgré les divisions héritées du colonialisme et du féodalisme.
Ainsi, de puissants facteurs expliquent la naissance et le succès des idéologies unitaires parmi les nationalistes des pays arabes. Mais des raisons tout aussi profondes expliquent que les différents projets de fusion se soient tous, jusqu'à présent, terminés par des échecs.
C'est que le problème de la fusion de deux États ne se réduit pas à la simple addition de leurs économies, à la mise en commun de leurs ressources, et à la suppression des barrières douanières qui limitent les échanges commerciaux, toutes choses auxquelles la bourgeoisie de ces pays a en effet tout à gagner. Il s'agit, en même temps, de jeter les bases d'un appareil d'État à l'échelle des deux pays, à l'autorité incontestée, reconnu par les classes dirigeantes comme le garant de leurs intérêts généraux, jusques et y compris contre leurs intérêts particuliers. Et c'est là que le bât blesse.
La fusion entre la Syrie et l'Égypte en 1958, se traduisit rapidement par la colonisation de l'appareil d'État le plus faible, l'État syrien, par le plus fort, c'est-à-dire l'État égyptien. Les fonctionnaires et les militaires syriens se voyaient imposer par Nasser les mêmes méthodes dictatoriales qu'il utilisait à l'intérieur de son propre appareil d'État en Égypte. Les ordres venus du Caire, les fonctionnaires venus du Caire considéraient comme normal d'imposer leurs décisions en Syrie sans la moindre considération pour les avis des membres de l'ex-appareil d'État syrien. Mais l'appareil d'État syrien, habitué certes à exercer sa dictature à l'intérieur de la Syrie, n'était nullement prêt à supporter la dictature d'un autre appareil d'État sur lui-même. La « République Arabe Unie », née de la fusion syro-égyptienne, connut une fin saris gloire lorsque, par un coup d'État, les militaires syriens proclamèrent la sécession. Après trois ans de colonisation par l'appareil d'État égyptien, l'appareil d'État syrien choisissait de reprendre sa liberté.
L'exemple est concluant. Appareils de dictature politique d'une classe, les appareils d'État des pays arabes ne sont même pas des appareils démocratiques pour la classe dominante elle-même. Ils revêtent tous, à des degrés divers, la forme de la dictature bonapartiste d'un Sadate, d'un Kadhafi ou d'un Hafez El Assad. Les policiers et les militaires a qui l'autorité de l'appareil d'État donne, en même temps que des postes, des avantages et des privilèges, les hauts fonctionnaires titulaires d'une charge, les bourgeois qui vivent à l'ombre de cet appareil d'État et tirent leur prospérité des bonnes relations et des marchés préférentiels qu'ils passent avec l'État grâce à tel fonctionnaire d'un ministère, tous ces privilégiés ne sont nullement prêts à accepter de gaîté de coeur la redistribution des places et des rôles qu'entraîne nécessairement une fusion en un seul des deux appareils d'État. Trop de privilèges sont en cause pour que leurs bénéficiaires acceptent, au nom de l'intérêt général, de les voir remis en question. Cela est vrai à tous les niveaux de l'appareil d'État, à commencer par le plus élevé : celui du Bonaparte qui se trouve à la tête de l'État, qui ne peut accepter la concurrence « démocratique » du Bonaparte du pays voisin. Et c'est d'ailleurs parce qu'elle se trouvait momentanément démunie d'un tel protecteur que, dans le cas de la fusion syro-égyptienne, la bourgeoisie syrienne demanda sa protection à Nasser, pour lui échapper dès qu'elle estima que les inconvénients, tous comptes faits, dépassaient largement les avantages.
Les classes dirigeantes sont en fait trop liées à leur appareil d'État, ont trop besoin de sa protection pour pouvoir ainsi abandonner leur soutien étatique existant au profit d'un autre, encore hypothétique, impliquant une redistribution des cartes, qui ne semble pas, a priori, leur garantir les mêmes avantages personnels. Car le propre de chaque bourgeois est de penser que « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », et lorsqu'on lui parle de sacrifices au nom des intérêts généraux du pays - c'est-à-dire de la bourgeoisie - , de penser que c'est au bourgeois d'à côté de faire des sacrifices, tandis que lui peut s'accrocher à ses avantages égoïstes, sans qu'il y ait de mal à cela.
Imposer l'autorité d'un appareil d'état défendant les intérêts généraux des classes possédantes, c'est d'abord, l'imposer contre les classes populaires. mais c'est aussi l'imposer contre l'égoïsme borné de chaque membre de ces classes possédantes, contre leur irresponsabilité politique qui les fait s'accrocher à leur intérêt de bourgeois individuel, même lorsqu'il va à l'encontre des intérêts de leur classe prise dans son ensemble. et ce qui est vrai des rapports d'un appareil d'état avec les membres de la classe dont il sert les intérêts, est encore vrai des rapports de deux appareils d'état qui fusionnent, ou tentent de le faire, au nom de l'intérêt général. cette fusion se heurte, au premier chef, aux intérêts particuliers de chacune des deux bourgeoisies mises en cause, à leur attachement à leur propre appareil d'état, garant de leurs privilèges.
C'est pourquoi, pas plus au Moyen-Orient qu'ailleurs, l'Histoire ne connaît d'exemple de fusion « démocratique » entre deux appareils d'État. Même à l'aurore du règne de la bourgeoisie, lorsque celle-ci avait devant elle toute une période historique et construisait en Europe ses appareils d'État nationaux, l'enfantement de ces Unités Nationales se fit dans la douleur, dans le sang et les larmes des guerres, et, en tout cas, par l'hégémonie d'un appareil d'État sur un autre. Il fallut un Bismarck et l'hégémonie prussienne pour réaliser l'Unité allemande. Il fallut l'hégémonie du Piémont pour réaliser l'Unité italienne. Quant à l'unité française, elle est le fruit, avant même la révolution de 1789 et la dictature jacobine, de siècles de contraintes de la monarchie absolue, réprimant impitoyablement toutes les tendances centrifuges, imposant aux féodaux et aux bourgeois de se sacrifier à l'intérêt général.
Alors, comment ce qui était impossible à la bourgeoisie européenne, bourgeoisie montante de pays promis à un large développement bourgeois, serait-il possible à celle de pays sous-développés, où l'importance du rôle de l'appareil d'État réside, précisément, dans le fait qu'il tente désespérément de créer les conditions de l'essor d'une bourgeoisie nationale, rendant d'autant plus étroits les liens de cette bourgeoisie avec cet État, à l'ombre duquel elle vit ? Comment la fusion « démocratique » de ces appareils d'État serait-elle possible, alors qu'elle se révèle impossible dans les États capitalistes développés d'Europe, dont les dirigeants n'utilisent la phrase « européenne » que pour défendre à chaque occasion, la politique du « chacun pour soi », et de l'égoïsme national ?
En fait, la seule façon de réaliser une unité nationale plus large, à partir de deux États existants, c'est la domination d'un des deux États sur l'autre, au point de parvenir à le briser. C'est ainsi que la tentative la plus sérieuse de construire une Europe Unie fut au fond... la tentative faite par Hitler, en imposant dans toute l'Europe la domination de l'armée allemande. Et l'échec de l'union syro-égyptienne de 1958-1961 signifie, tout d'abord, que l'État de Nasser n'est pas parvenu à briser l'État syrien, et à le mettre sous son contrôle.
Et ce n'est nullement un hasard si l'idéologie du panarabisme a d'abord été développée par Nasser, leader de l'Égypte nationaliste. C'est que l'État égyptien, régnant sur une nation de trente-quatre millions d'hommes, a une taille d'un tout autre ordre que les autres États arabes, dont le plus peuplé, l'Algérie, n'atteint pas quinze millions d'habitants (et n'était pas indépendant à la grande époque du nassérisme), tandis que les autres pays arabes, qu'il s'agisse de la Tunisie ou de la Syrie, en comptent bien moins de dix millions. C'est pourquoi l'État égyptien était le seul à n'avoir rien à craindre d'une fusion avec un autre, et à pouvoir parier à coup sûr qu'il y gagnerait l'hégémonie. C'est cette certitude qui donna pendant des années un tel zèle « panarabe » à Nasser, pendant qu'à l'opposé, les dirigeants des autres pays arabes, tout en protestant eux aussi de leur attachement à « I'Unité Arabe », se gardaient bien, surtout après la triste expérience syrienne, de faire quelque geste que ce soit dans ce sens de peur de tomber sous l'hégémonie nassérienne.
Aujourd'hui, les échecs supportés par les expériences nassériennes, les coups portés à l'Egypte par la politique pro-impérialiste de l'État d'Israël, ont amené le « Raïs », puis son successeur Anouar El Sadate, à une politique moins violemment nationaliste et panarabe, à la recherche de compromis honorables avec l'impérialisme. Et, curieusement, c'est aujourd'hui le leader du pays arabe le moins peuplé, la Libye, qui semble avoir pris le relais de Nasser dans le rôle de propagandiste à tous crins de « I'Unité Arabe ». Mais les gestes théâtraux de Kadhafi, organisant à grands renforts de publicité une marche des Libyens sur Le Caire pour tenter de forcer la main à Anouar El Sadate hostile à l'unité, font aujourd'hui que les initiatives du leader libyen ne sont guère prises au sérieux. Et le projet d'union libyo-égyptienne semble en effet, pour sa part, définitivement compromis.
Pourtant dans le projet d'union libyo-tunisienne, un certain nombre de facteurs imposent d'être moins sceptique que pour les autres projets avortés que le monde arabe a connus. et, paradoxalement, c'est le fait que kadhafi soit le leader du pays arabe le moins peuplé, ne pouvant absolument pas prétendre à l'hégémonie dans une fusion, quelle qu'elle soit, qui lui donne peut-être quelques chances de succès.
Les avantages d'une fusion libyo-tunisienne, sur le plan économique, sont évidents. Les couches dirigeantes tunisiennes bénéficieraient du pactole que représentent les revenus pétroliers de l'État libyen. Quant à celui-ci, il pourrait espérer utiliser ce pactole, le réinvestir et profiter du marché intérieur bien plus vaste que constituerait l'État unifié. Car, dans les conditions actuelles, quelles que soient les richesses qu'elles tirent du pétrole, les classes dirigeantes libyennes ne peuvent espérer les faire déboucher sur un développement économique un tant soit peu important, dans un pays de deux millions d'habitants, pour la plupart nomades, vivant en dehors de tous les circuits commerciaux, et ne pouvant en aucune manière être les clients d'une industrie nationale.
Bien sûr, au niveau politique, le problème de la fusion des appareils d'État se poserait dans les mêmes termes que lors de la fusion syro-égyptienne. Et le faible appareil d'État libyen pourrait se retrouver, rapidement, colonisé par les tenants de l'État tunisien. Mais le choix de Kadhafi, s'engageant malgré tout dans un tel processus, pourrait être motivé par un certain nombre d'espoirs politiques. En particulier, il peut fort bien espérer être le Bonaparte qui succédera à Bourguiba.
Car l'appareil d'État tunisien n'est pas démocratique, pas plus que les autres États de cette région du monde. Il a besoin, pour mener sa politique, pour faire accepter leur situation misérable aux masses populaires, d'un Bonaparte. Et la bourgeoisie tunisienne peut, d'ores et déjà, se poser le problème de la succession de Habib Bourguiba, dictateur quelque peu sénile, et au prestige un peu défraîchi. Dans ces conditions, Kadhafi peut fort bien espérer, aux termes d'un processus de fusion libyo-tunisien, s'imposer comme le Bonaparte dont aurait besoin le nouvel État, et en particulier dont aurait besoin la bourgeoisie tunisienne pour succéder à Bourguiba.
Car la bourgeoisie tunisienne est bien assez riche et puissante (relativement à la libye) pour offrir des avantages, et des postes, à la poignée de militaires qui constituent tout l'appareil d'état de la libye. et le fait qu'un libyen se trouve à la tête du nouvel état, contribuerait d'ailleurs aussi à rendre cette opération de colonisation de l'appareil libyen par l'appareil tunisien moins douloureuse.
Enfin, un certain nombre de circonstances internationales, comme la politique de l'impérialisme français, qui cherche à maintenir des relations privilégiées avec les États arabes, en concurrence avec les autres impérialismes, militent dans le sens d'une telle fusion. Et si le processus s'est trouvé bloqué si brusquement, deux jours à peine après la signature d'un pacte d'unité entre Kadhafi et Bourguiba, cela résulte d'importantes pressions extérieures venant en particulier des États-Unis, dont la presse s'est fait l'écho. Si le gouvernement US a éprouvé le besoin d'exercer de telles pressions, C'est sans doute qu'il voyait dans le projet tuniso-libyen bien plus qu'une rodomontade de Kadhafi : un projet politique précis pouvant aller contre ses intérêts dans la région.
Ainsi, la fusion libyo-tunisienne apparaît au fond comme une des plus crédibles des tentatives de fusion qu'ait connues le Moyen-Orient. Si une exception historique est possible, et si l'on peut voir deux États fusionner avec quelque chance de succès, c'est peut-être dans ce cas. Mais cela trace les limites exactes du panarabisme, et de toute idéologie nationaliste « unitaire ». A l'époque de l'impérialisme, à l'époque de la bourgeoisie décadente, celle-ci a bien trop besoin de son appareil d'État pour accepter de s'en dessaisir si peu que ce soit, fût-ce au profit d'un appareil d'État plus avantageux qu'on lui promet. L'union de la Tunisie et de la Libye peut être une exception historique. Mais la suppression véritable des frontières nationales ne peut être l'oeuvre que du prolétariat, la seule classe n'ayant pas de privilèges à défendre.