Allemagne : La réponse des travailleurs d'Opel aux licenciements21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : La réponse des travailleurs d'Opel aux licenciements

Le site Opel de Bochum, entre Dortmund et Essen (Ruhr), compte près de 10000 travailleurs répartis sur trois usines. Lorsque jeudi dernier, 14 octobre, la direction de General Motors annonça son intention de supprimer plus de 4000 emplois rien que sur ce site, cela fit l'effet d'une bombe. Fait rare en Allemagne, les ouvriers cessèrent immédiatement le travail, prenant de court les syndicats et ignorant les nombreux verrous légaux visant à empêcher le déclenchement d'une telle grève "sauvage". Depuis maintenant six jours, la production est complètement arrêtée.

Il y a vingt ans, ils étaient encore plus de 20000 à travailler chez Opel Bochum, plus du double de ce qu'ils sont aujourd'hui. Pour prétendument "sauver l'emploi", les travailleurs ont dû accepter depuis des années des réductions de salaires et des charges de travail accrues. Ces derniers mois, chacun sentait que General Motors préparait encore un mauvais coup. Mais que 4000 emplois puissent être supprimés, personne n'imaginait une chose pareille. En comptant les emplois induits et surtout les 30000 salariés des sous-traitants des environs, c'est en réalité presque dix fois plus d'emplois menacés, dans une région déjà très touchée par le chômage. Les ouvriers ont pris le coup de colère. Ils réclament: ni licenciement ni reclassement, aucune fermeture d'usine, un engagement ferme de la direction de continuer la production après 2009, donc avec de nouveaux modèles.

Pour la première fois depuis vingt ans, ils ont occupé l'usine, y compris le week-end, bloquant tous les accès. La direction a multiplié les tentatives d'intimidation. Dans la nuit de dimanche à lundi, elle a fait venir 40 gros bras de la surveillance du site de Rüsselsheim. Postés en groupes aux entrées en compagnie de nombreux contremaîtres et cadres, ils ont "accueilli" l'équipe du matin. Pour rejoindre ses camarades grévistes, chaque arrivant devait traverser leur groupe, prendre une fiche lui enjoignant de reprendre le travail. Ceux de l'intérieur, après une nuit à occuper l'usine, ont réagi: ils ont également formé une haie, derrière les grilles, symétrique à celle de la direction. Au bout, une énorme poubelle portant l'inscription: "Papiers brouillon uniquement". Ceux du matin, au bout de leur traversée, y jetaient démonstrativement les fiches de la direction, sous les applaudissements de tous les autres... Et ils n'ont pas repris le travail.

Les grévistes rencontrent aussi beaucoup de solidarité. De jour comme de nuit, des inconnus passent avec des thermos de café et de la nourriture, ou pour proposer un coup de main. À la porte, un retraité leur a remis une enveloppe, dans laquelle ils ont trouvé 500 euros. Des militants d'autres entreprises, des écoles, organisent des collectes. Une brève prise de parole a lieu toutes les heures aux entrées principales, sur des estrades improvisées. Jusqu'à présent, chacun peut s'exprimer. Des employés d'autres entreprises viennent témoigner ou dire leur solidarité. Les suppressions d'emplois ont touché tant de monde, sans déclencher de véritable réaction... On entend à nouveau, fréquemment, un vieux dicton qui avait été oublié: "Celui qui lutte peut perdre. Mais qui ne lutte pas a déjà perdu!"

La grande crainte est de voir des syndicalistes signer un compromis pourri avec le patron pour faire reprendre le travail. Le secrétaire du CE est connu pour ses relations avec la direction, au point que des employés ont un jour fait signer une pétition contre lui! Surtout, chacun a en tête le sort des employés de la chaîne de magasins Karstadt, à qui justement cela vient d'arriver, avec 5500 suppressions d'emplois à la clé. À Bochum, les délégués élus au CE négocient seuls avec la direction, sans vraiment rendre compte aux travailleurs. Ils semblent décidés à tout faire pour mettre fin au mouvement. Alors qu'habituellement les "caisses de grève" servent à maintenir au moins une partie du salaire, ici le syndicat ne propose même pas de prendre sur ces caisses pour le ravitaillement des piquets. Les choses deviennent claires: pour gagner, les travailleurs ne devront compter que sur eux-mêmes.

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