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Dans le monde
Kosovo : La paix sur le dos des peuples
Comme on pouvait le prévoir, le maintien d'un Kosovo multi-ethnique par les soins des puissances impérialistes s'avère un fiasco.
Les déclarations et déplacements de Bernard Kouchner, désigné par l'ONU comme administrateur civil du Kosovo, s'apparentent à des gesticulations, tant son impuissance est patente. Avec la situation dramatique créée par les opérations criminelles de Milosevic contre la population albano-kosovare, considérablement aggravée par l'intervention militaire de l'Otan, le maintien de la majorité des quelque 200 000 Serbes qui vivaient dans la province (environ 10 % de la population totale) est devenu aussitôt problématique, d'autant plus que le retour en masse des réfugiés albanophones s'est fait dans des délais plus rapides que prévu (aux Serbes, il faut ajouter les Tsiganes, qui avaient souvent été associés par le pouvoir serbe, dans des tâches subalternes). Aujourd'hui, les Serbes et Tsiganes ne seraient plus qu'environ 30 000 au Kosovo.
Certes, les griefs des Kosovars albanais contre les Serbes sont antérieurs à la guerre. Depuis plus de dix ans, le régime de Milosevic les avait brutalement opprimés. Il avait appliqué une politique de discrimination systématique dans la vie courante. Les albanophones avaient été chassés et remplacés par des Serbes dans la fonction publique, l'enseignement, les organismes de santé, etc., et aussi dans certains secteurs industriels comme les grandes mines de Trepca. Le répression policière était étouffante.
Aussi, l'existence de ressentiments et de désirs de représailles était logique. Mais ceux-ci ont été décuplés et attisés depuis mars dernier par les menées des forces de répression serbes, elles-mêmes favorisées et accélérées par les bombardements de l'Otan. Le fossé de haine entre les communautés en a été approfondi, les rivalités exacerbées, les nationalismes encouragés.
Résultat, outre les miliciens serbes criminels qui sont partis en hâte dans les fourgons de l'armée et de la police, bien des habitants serbes ont suivi, mus par la peur, et aussi par des sentiments anti-Albanais. Tandis que, de leur côté, les nationalistes albanais de l'UCK ont mené et mènent, d'après tous les témoignages, une politique d'agression et de harcèlement en vue de faire fuir les derniers habitants serbes et d'occuper seuls le terrain.
Non seulement l'administration civile mais aussi la force militaire de l'Otan, la KFOR, se montrent impuissantes à enrayer cette dégradation et la multiplication de telles pressions. Les responsables de l'Otan et de l'ONU juraient qu'ils chercheraient à éviter toute partition du Kosovo, mais toute la situation y conduit pourtant.
Vers des enclaves serbes protégées ?
On commence à entendre évoquer des projets de " cantonisation " (rappelons, en passant, que l'Eglise orthodoxe serbe avait mis au point un projet de " cantonalisation " pour le Kosovo, avant la guerre). Le mot n'est pas passé, et les représentants des Serbes kosovars proposent maintenant un projet d'" enclaves protégées " dites évidemment temporaires, avec administration locale et protection de la KFOR. Si cela n'a pas (ou pas encore) été officiellement entériné, les Kouchner, Védrine, Fischer n'en excluent cependant pas la possibilité. A vrai dire, à moins d'organiser eux-mêmes le départ des Serbes qui restent, ils n'ont guère d'autre perspective.
Ainsi, Kouchner a pu déclarer au Monde : " Si nous devions en arriver à regrouper les Serbes, j'espère que ce sera à titre provisoire "... On peut imaginer qu'il l'espère, mais le précédent de la Bosnie montre que ce genre de provisoire a tendance à durer !
De fait, qu'on emploie les termes de cantons ou de zones protégées, ce genre d'enclaves s'instaure déjà. Les Serbes qui ne se sont pas réfugiés en Serbie ou au Monténégro se sont regroupés entre eux dans certains villages et quartiers urbains. La zone occupée par l'armée française, située au nord du Kosovo et adossée à la Serbie, avec la ville de Mitrovica, coupée en deux, est quasiment un bastion serbe.
L'enjeu des mines de Trepca
L'exemple de cette zone est significatif à un autre titre : c'est là que se trouve le complexe minier de Trepca, dont les richesses en plomb, zinc, argent constituent des enjeux importants, qui n'intéressent pas que des Kosovars : le régime de Belgrade d'abord, et notamment la famille Milosevic, qui s'est assurée depuis longtemps le contrôle de la majorité du capital de Trepca. Mais aussi les sociétés occidentales qui, en liaison avec les Milosevic, contrôlaient la commercialisation des minerais, telles une société grecque et la française Société commerciale de métaux et minerais (SCMM).
En outre, à travers les institutions des Nations unies, des intérêts anglais et américains cherchent à jouer leur jeu. Un jeu qui est rendu épineux par le fait que, d'après les accords, le Kosovo est toujours sous la souveraineté de la République de Yougoslavie... mais, qu'à cela ne tienne, l'ONU s'est attribué unilatéralement fin juillet la gestion des biens publics au Kosovo, de " toutes les propriétés, y compris l'argent et les comptes bancaires, appartenant à ou enregistrés au nom de la République fédérale de Yougoslavie ou de la République de Serbie "...
C'est une gué-guerre qui oppose désormais les tenants anglais et américains de la tutelle onusienne sur Trepca, aux actionnaires privés non serbes de ce complexe minier - comme le directeur français de la SCMM, qui aurait acquis subitement une part de son capital...
Ainsi, les rivalités entre intérêts capitalistes ne sont pas loin, au-delà des affrontements, au moins entre l'UCK et les responsables français, dans la région de Mitrovica.
Les aspirations des peuples du Kosovo n'entrent pas en compte là-dedans. Dans la paix comme dans la guerre, ces peuples ne sont que masses de manoeuvre.