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- Lutte ouvrière n°2633
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Editorial
Grand débat : cause toujours...
Pour tenter de reprendre la main, Macron a lancé un grand débat national. Celui-ci a pour objectif d’éclipser et d’étouffer la mobilisation des gilets jaunes et de ne pas répondre à leurs exigences.
Leur revendication la plus populaire est le rétablissement de l’ISF. Eh bien, par avance, Macron y met son veto ! Et, en six pages et 34 questions, il n’y a pas un mot sur les salaires, l’emploi ou le niveau des pensions. Mais on peut toujours en causer, nous dit Macron. De qui se moque-t-il ?
Le problème n’est pas seulement de dire ce que l’on pense. Cela, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes le font depuis trois mois. Le problème est d’imposer nos intérêts de travailleurs contre Macron, le président des très riches, et contre la classe capitaliste, de plus en plus rapace. Pour cela, il faut instaurer un rapport de force.
Le fait que les gilets jaunes se soient rassemblés à 84 000 à la veille du lancement de ce grand débat montre qu’ils ne sont pas dupes. La dernière sortie de Macron sur les citoyens qui « oublient le sens de l’effort » a ainsi eu la réponse qu’elle méritait.
Le mouvement des gilets jaunes a montré que nombre de retraités, de femmes en précarité ou au foyer, de salariés et d’artisans ne veulent plus se taire. Peut-être pousseront-ils aussi leur coup de gueule dans le cadre de ce débat officiel, et cela se comprend. Mais croire que le débat national peut faire avancer les intérêts essentiels des travailleurs en termes d’emploi, de salaire ou de niveau de retraite, est une illusion.
Ceux qui décident des embauches et des licenciements, qui fixent les contrats, les salaires, les conditions de travail et déterminent les carrières, sont les dirigeants des entreprises. Ils ne décident pas en prenant l’avis des travailleurs et de la population. Ils prennent leurs ordres auprès des actionnaires et des propriétaires.
Ils se moquent non seulement de ce qui peut ressortir du grand débat, mais aussi de ce que peut dire ou recommander le gouvernement. Combien d’entreprises richissimes n’ont pas versé la « prime gilets jaunes » ? Quand les grands groupes décident de fermer une usine, comme Ford à Blanquefort ou PSA à Saint-Ouen, ils n’ont que faire des leçons de morale du ministre de l’Économie !
S’il arrive aux gouvernements de déplorer qu’il n’y ait pas de juste répartition des profits, ils ne font rien. La situation empire année après année, et 2018 ne déroge pas à la règle puisqu’un record de 57 milliards de dividendes a été versé aux actionnaires, en hausse de 13 % par rapport à l’année précédente.
Qu’en déduire, si ce n’est que les gouvernants et l’État n’ont pas de prise sur ces capitalistes ? Qu’en conclure, si ce n’est que, derrière le pouvoir politique, se tient un pouvoir autrement plus puissant, le pouvoir de l’argent et de ceux qui le concentrent, les capitalistes ?
« Il faut donner plus de force à la démocratie et à la citoyenneté », dit Macron. Mais on peut multiplier les débats et les référendums, l’organisation sociale n’en sera pas plus démocratique. Toute l’économie et nos vies de travailleurs sont soumises à la dictature du grand capital, aux rois des temps modernes que sont les grandes fortunes à la tête des multinationales de l’automobile, du pétrole, de la pharmacie, de la finance, de la banque ou des assurances.
Il y a six millions de chômeurs, et il manque du personnel dans les maisons de retraite, dans les hôpitaux. Nombre d’autres besoins ne sont pas satisfaits. La société est plongée dans l’impasse parce que les capitaux sont concentrés dans les mains de cette infime minorité qui se moque de résoudre des problèmes aussi élémentaires que l’habitat insalubre ou le manque de médecins. Même entretenir des conduites de gaz qui datent du début du 20e siècle, comme celles qui ont été à l’origine d’une explosion samedi à Paris, ne fait pas partie de leurs préoccupations !
Cette minorité de capitalistes accapare les richesses produites collectivement au travers de l’exploitation et elle est libre de faire ce qu’elle veut de ses capitaux. Et, comme son système est en crise permanente, elle choisit de les orienter de plus en plus vers la finance et la spéculation.
Il n’y aura pas d’issue tant que l’on n’enlèvera pas le pouvoir à la grande bourgeoisie en l’expropriant. « Faut-il enlever à la classe capitaliste son pouvoir de nuisance en l’expropriant ? » : cela ne fait bien sûr pas partie des questions soumises au grand débat. Mais les travailleurs qui ont la volonté d’agir pour offrir un avenir vivable à la société doivent y répondre, et positivement.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 14 janvier 2019