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Leur société
Autoroutes : une rente à perpétuité
Peu avant Noël, les sociétés d’autoroutes n’avaient pas hésité à demander à l’État un dédommagement pour « les dizaines de millions d’euros perdus » suite aux dégradations des péages et aux passages gratuits organisés par les gilets jaunes. La direction de Vinci avait même imaginé de faire payer rétroactivement les automobilistes, en mettant à profit les images de ses caméras de surveillance !
Si Vinci a renoncé sur ce point, toutes les sociétés d’autoroutes n’en ont pas moins été reçues le 4 janvier par la ministre des Transports Élisabeth Borne avec, à l’ordre du jour, l’estimation du montant des pertes subies et la discussion de la hausse des tarifs prévue pour le 1er février. Révolte des gilets jaunes oblige, la ministre a alors appelé les sociétés concessionnaires à faire un effort pour « prendre en compte les préoccupations des Français sur le pouvoir d’achat ».
Les résultats de l’effort sont arrivés le 14 janvier. Ils ont la forme « d’offres d’abonnements à tarif préférentiel à destination des usagers réguliers, en particulier ceux effectuant des trajets domicile-travail ». On peut raisonnablement parier qu’il n’y a pas là de quoi éteindre la juste colère des usagers ou faire accepter la hausse de 1,9 % sur les tarifs des péages, qui ira remplir les caisses des sociétés autoroutières.
Pourtant, ces caisses dégoulinent déjà de milliards de profit. Selon les chiffres de la très officielle Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), les Vinci, Eiffage et autres ont dégagé en 2017 un excédent brut d’exploitation de 7,3 milliards d’euros pour 10 milliards d’euros de chiffres d’affaires, soit 73 % de marge brute ! Les actionnaires peuvent sabrer le champagne !
C’est révoltant, mais c’est la règle du jeu, une règle établie avec le consentement et même la participation de l’État. Il faut rappeler que fin 2014 Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, était contrainte d’abandonner l’écotaxe suite au mouvement social déclenché par les Bonnets rouges. Pour faire un geste, elle annonçait le gel des tarifs autoroutiers pour 2015, ce qui était contraire aux contrats antérieurs signés avec les sociétés d’autoroute. Celles-ci ayant attaqué en justice, un accord de sortie de crise fut signé avec l’État, un nouveau contrat dont les conditions restées secrètes viennent d’être publiées par Mediapart.
Dans ce contrat, pour compenser le gel de 2015, l’État a accepté des hausses de tarifs supérieures à celles qui étaient déjà prévues. Ces hausses additionnelles doivent prendre effet le 1er février de chaque année, de 2019 jusqu’en 2023. Voilà pourquoi une augmentation de 1,9 % aura lieu le 1er février prochain, plus importante que celle de 2018. Selon l’Arafer, cela coûtera 500 millions de plus aux usagers. Autre point : les durées des concessions autoroutières ont été augmentées de deux à cinq ans. Et c’est sans compter nombre d’avantages fiscaux qui bonifient encore et toujours la rente offerte par l’État à ces sociétés.
En 2015, l’accord secret était signé par la ministre de l’Écologie et aussi par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Quant à Élisabeth Borne, l’actuelle ministre des Transports, elle était partie prenante puisque alors directrice du cabinet de la ministre de l’Écologie. Ce sont les mêmes serviteurs de l’État, ou presque, pour une nouvelle négociation avec les mêmes représentants du grand capital, et tout cela pour le même résultat.