Irak : la révolte de la population de Bassora12/09/20182018Journal/medias/journalarticle/images/2018/09/Iraq.jpg.420x236_q85_box-0%2C109%2C970%2C655_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : la révolte de la population de Bassora

Depuis le 8 juillet, des manifestations contre la pénurie d’eau et d’électricité et contre la corruption des responsables politiques se déroulent à Bassora, la grande ville du sud pétrolier de l’Irak. L’armée irakienne a répondu en tirant avec des balles de guerre, faisant déjà plus de vingt morts.

Illustration - la révolte de la population de Bassora

Bassora, autrefois connue pour la douceur de ses canaux à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate, avec une population cosmopolite, a été dévastée par quarante ans de guerres ou d’embargo américain. L’eau est devenue une denrée si rare et si polluée que plus de 20 000 personnes ont été hospitalisées cet été après un empoisonnement. Le taux de salinité, dix fois supérieur à la norme, tue les plantations.

Alors que cette région contient les plus grandes réserves pétrolières du pays, exploitées par des compagnies occidentales dont Total, le gouvernement doit importer de l’essence raffinée pour alimenter des centrales électriques à bout de souffle. Pour avoir du courant électrique, la population doit compter sur des générateurs privés installés à chaque coin de rue qui coûtent cher et polluent. En été, avec des chaleurs qui atteignent 50°C, l’air pollué est irrespirable.

Depuis 2003 et l’intervention américaine contre Saddam Hussein, plus d’un million d’habitants sont venus se réfugier à Bassora, formant d’immenses bidonvilles. Le chômage dépasse les 30 %. Pour avoir un poste dans une administration « il faut payer 5 000 dollars ou adhérer à un parti », dit un habitant. Quant aux compagnies pétrolières, elles embauchent très peu de travailleurs locaux, pas assez dociles ou pas assez qualifiés à leurs yeux. Beaucoup de jeunes de la région s’étaient engagés dans les « milices patriotiques » chiites pour faire la guerre à l’État islamique à Mossoul, au nord du pays. Des milliers d’entre eux y ont laissé leur vie ou leur intégrité physique et sont aujourd’hui abandonnés par les politiciens au pouvoir à Bagdad ou à Bassora.

L’addition de toutes ces infamies a déclenché une première vague de manifestations le 8 juillet. Le Premier ministre, el-Abadi, a coupé l’accès aux réseaux sociaux, fait tirer sur les manifestants, tuant 14 d’entre eux et en blessant 250, avant de limoger le ministre de l’Électricité. Rien n’ayant changé, la contestation a redémarré le 5 septembre. Cette fois-ci les manifestants ont mis le feu aux sièges des partis représentés à Bassora ainsi qu’au palais du gouverneur.

Autant que l’on puisse en juger à travers les récits de la presse, les manifestants renvoient dos à dos les deux coalitions chiites qui se disputent le pouvoir à Bagdad depuis les élections législatives du 12 mai dernier ; celle dirigée par Moqtada al-Sadr comme celle que soutient l’ancien Premier ministre, Nouri al-Maliki.

Mais, au-delà, les dirigeants américains et leurs alliés occidentaux portent une responsabilité directe dans la situation où se trouve aujourd’hui la population irakienne après leurs multiples interventions.

Partager