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- Lutte ouvrière n°2518
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Editorial
Migrants, chômage, police : une société en crise, malade du capitalisme
La semaine dernière, le gouvernement se vantait d’avoir mis fin à la situation indigne des migrants de Calais. Une partie d’entre eux se retrouvent aujourd’hui dans des centres d’accueil où la population locale leur apporte souvent une aide chaleureuse, faisant preuve de l’humanité qui fait défaut à ceux qui nous gouvernent. Mais d’autres restent à Calais, harcelés par la police. Et 2 000 ou 3 000 d’entre eux campent à Paris en pleine rue, dans des abris de fortune, sous menace d’expulsion.
Le démantèlement de la « jungle » n’était pas une opération humanitaire, comme le gouvernement a voulu le faire croire. C’était une opération de police, doublée d’une campagne de communication. La « jungle » de Calais faisait tache avant les élections et Hollande a voulu démontrer qu’il ne tolérerait plus de camp. Les migrants sont donc appelés à se faire invisibles ! Mais la destruction de la « jungle » n’empêchera pas nombre d’entre eux de vouloir gagner la Grande-Bretagne et de reformer d’autres campements, comme c’est le cas depuis vingt ans. Le gouvernement n’a en rien résolu la crise des migrants.
Il est fréquent d’entendre le FN, la droite et le PS opposer les intérêts des pauvres d’ici à ceux des étrangers. Mais si le gouvernement maltraite les migrants, il attaque également les travailleurs d’ici ! L’augmentation du chômage, qui atteint près de six millions de sans-emploi, n’a rien à voir avec l’actuelle crise des migrants. Et s’il manque aussi des logements bon marché, ce n’est pas parce que le gouvernement les leur réserve. C’est parce que notre société fonctionne pour la petite minorité de capitalistes qui dirigent l’économie, et non pour la collectivité.
Toute la société va mal. Avec la progression du chômage et de la misère, c’est toute la vie sociale des quartiers populaires qui se dégrade : les incivilités et la délinquance ; les immeubles délabrés et les ascenseurs en panne ; les transports qui passent au loin ; les écoles qui manquent de personnel ; les déserts médicaux ; les bureaux de poste aux files d’attente interminables, etc.
Cette dégradation, c’est aussi ce que traduit à sa manière la colère des policiers, qui a éclaté après que des voyous ont voulu tuer quatre d’entre eux à Viry-Châtillon. Depuis deux semaines, ils manifestent. Compréhensif, le gouvernement leur a fait des concessions. Ils dénoncent notamment la pénurie de moyens. Mais elle frappe les policiers comme elle frappe tous les services publics, de l’Éducation nationale aux hôpitaux. Et on ne peut qu’être opposé au tout-répressif que réclament les policiers.
Ils revendiquent de pouvoir utiliser leurs armes de façon plus souple que l’actuelle légitime défense. Cela conduirait à la multiplication des bavures, voire à un véritable permis de tuer, comme celui dont disposent les policiers américains. Ils voudraient que les tribunaux soient plus sévères et emprisonnent tous les délinquants arrêtés. Mais les prisons n’ont jamais été aussi pleines ! Là aussi, les États-Unis sont un exemple criant d’une société qui incarcère toute une fraction de sa population pauvre, sans pour autant réduire la criminalité.
Et puis, au-delà des policiers, la loi des délinquants et des dealers, c’est le quotidien de bien des habitants des quartiers populaires. Mais comment, avec autant de chômeurs, pourrait-il en être autrement ? Depuis des années, le chômage prive les jeunes des classes populaires de perspectives d’avenir. On leur dit d’étudier pour s’en sortir. Mais, même s’ils font plusieurs années d’études, ils se retrouvent à enchaîner des emplois précaires et sous-payés.
Que font les gouvernements contre cela ? Rien, surtout rien qui lèse les capitalistes. Ils ne veulent pas toucher au sacro-saint profit patronal. Au contraire : depuis vingt ou trente ans, ils multiplient les cadeaux aux entreprises, les baisses de cotisations et les rabais fiscaux. Ils laissent libre cours aux licenciements et à la précarité. D’où la dégradation en cours. La crise économique continue et la grande bourgeoisie mène l’offensive. Les gouvernements, de droite comme de gauche, la soutiennent. Et le FN n’y changerait rien car, s’il drague les classes populaires, il respecte l’ordre capitaliste.
Alors, les travailleurs ne doivent pas laisser la politique aux mains de ces politiciens bourgeois. La seule voie pour s’opposer à ce que la société soit de plus en plus injuste, c’est de se battre : contre la façon dont le grand capital accapare les richesses et plonge la société dans le dénuement ; contre une société aussi dure envers les pauvres qu’elle est généreuse pour les riches.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 31 octobre 2016