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- Lutte ouvrière n°2503
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Editorial
L’attentat de Nice et ceux qui exploitent l’émotion
Le tueur de Nice était-il un déséquilibré aux pulsions morbides ou un radicalisé de fraîche date ? S’est-il réellement inspiré des appels au meurtre du groupe État islamique ? On ne le saura peut-être jamais et cela ne change rien.
Qu’il l’ait voulu ou non, son acte a pris une signification politique parce que foncer dans une foule, écraser enfants, femmes et hommes en voulant faire le plus de morts possible, correspond à la politique voulue par Daech qui a d’ailleurs fini par revendiquer l’attentat.
Cette organisation terroriste veut dresser un mur de haine dans la population. Elle mise sur les frustrations, les injustices et le racisme qui existent dans le pays pour recruter. Et qu’entend-on du côté du FN et de la droite ? Des propos à l’emporte-pièce et des amalgames entre les attentats, l’islam et l’immigration qui vont exactement dans le sens recherché par Daech.
Il est stupide et répugnant d’opposer les immigrés ou les musulmans à la population dite « française » quand on sait qu’à Nice, le terroriste a frappé indistinctement, sans faire cas de la religion ou de l’origine de ceux qui étaient sur sa route.
Le Pen avec son obsession anti-islam, Sarkozy avec son « identité nationale », jusqu’à Hollande et Valls qui prônaient il y a peu la déchéance de nationalité pour les binationaux, tous ont contribué à alimenter un climat délétère. D’une manière ou d’une autre, ils ont tous défendu l’idée qu’il fallait plus de frontières et moins d’immigration.
Les réflexions racistes, les appels aux immigrés à « rentrer chez eux » qui s’expriment ouvertement depuis l’attentat sont la conséquence de la démagogie passée et présente de ceux qui se prétendent des responsables politiques.
Hollande est accusé par ses concurrents à l’élection présidentielle de ne pas protéger suffisamment les Français. Et que proposent-ils ? D’accentuer les mesures sécuritaires et d’intensifier la guerre menée par la France en Irak et en Syrie. C’est-à-dire poursuivre et amplifier la politique menée depuis des années et qui a échoué.
Sur le plan intérieur, l’attentat de Nice, perpétré en plein état d’urgence, avec un service de renseignements sur les dents et un déploiement policier inédit, démontre les limites de cette politique sécuritaire.
Quant au plan extérieur, faut-il rappeler que la guerre en Irak, déclenchée en 2003 sous prétexte de combattre Al Qaïda a eu pour résultat de multiplier et d’élargir l’influence des groupes terroristes ?
Les grandes puissances ont créé le chaos sur lequel les djihadistes prospèrent. Elles participent au pillage du Moyen-Orient depuis un siècle, quand la France et la Grande-Bretagne firent main basse sur les restes de l’Empire ottoman. Elles ont joué des différences religieuses pour monter telle bande armée contre telle autre, afin d’assurer leur influence.
Le groupe État islamique lui-même a été soutenu et financé par la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite, grands alliés de la France et grands acheteurs d’armes françaises. C’est dire le double jeu de nos dirigeants qui n’ont pourtant que la démocratie, la sécurité et la paix à la bouche !
Les attentats sont aveugles et barbares. Mais avec leurs bombardements, leurs guerres et leurs alliances avec les pires dictatures, les Hollande, Obama, Poutine font preuve du même mépris que les terroristes pour la vie des populations.
On n’avait pas fini de compter les morts à Nice que Hollande annonçait l’intensification des bombardements sur la Syrie et l’Irak. Combien de victimes innocentes en Syrie et en Irak paieront pour les 84 personnes tuées à Nice ? C’est aussi de la barbarie, une barbarie qui ne peut que susciter des vocations de barbares.
Alors non, cette guerre n’est pas la nôtre !
La guerre contre Daech cache les visées impérialistes d’une minorité de groupes capitalistes et enrichit les marchands d’armes. Mais ce sont les travailleurs et les populations qui la payent de leur vie, victimes des bombes au Moyen-Orient et des attentats ici. Ils la payent aussi par la division et le poison de la xénophobie et du racisme.
L’intérêt des travailleurs est d’affirmer leur opposition viscérale aux terroristes. Mais plus que tout, ils doivent affirmer leur opposition absolue à leurs propres dirigeants qui sont responsables de cette plongée dans la barbarie.
C’est dans les métropoles occidentales que réside le pouvoir des capitalistes. C’est là qu’ils nous exploitent. C’est à nous de contester leur domination et celle de leurs serviteurs politiques en nous battant concrètement contre le chômage et l’exploitation ici, et en dénonçant les guerres et la misère qu’ils fomentent dans le monde.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 18 juillet 2016