Grèce : Les premières annonces du gouvernement Tsipras04/02/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/02/2427.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grèce : Les premières annonces du gouvernement Tsipras

Le 28 janvier, le nouveau gouvernement d'Alexis Tsipras a annoncé différentes mesures : la restauration du salaire minimum à 751 euros, celle du 13e mois pour les retraités touchant moins de 700 euros par mois, l'annulation de 10 000 licenciements dans la fonction publique et l'arrêt des processus de privatisation du port du Pirée, des aéroports régionaux et de la compagnie d'électricité DEI.

Ces annonces « ont conduit les marchés à une crise de nerfs », a commenté le journal Ta Nea. Ce n'était pourtant que la répétition des promesses de campagne de Syriza, bien connues et attendues par la grande majorité de la population.

Le smic à 751 euros brut, c'est celui de 2011, qui avait déjà baissé depuis 2006 où il frôlait les 870 euros. De plans d'austérité en plans d'austérité imposés par les gouvernements aux ordres de la Troïka, c'est-à-dire l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI, il a chuté à 580 euros brut, soit moins de 500 euros net. Et les jeunes de moins de 25 ans ont vu apparaître un smic au rabais de 510 euros brut.

40 % de perte du pouvoir d'achat

Les retraités touchent de l'État, selon le précédent ministère du Travail, 700 euros par mois, mais ce n'est qu'une moyenne. Ils affirment avoir perdu 40 % de leur pouvoir d'achat. Vu leur nombre - ils sont 2,5 millions, soit le quart de la population - et l'ampleur du chômage, leur retraite est souvent le seul revenu de la famille. En avril 2014, l'annonce d'une réduction supplémentaire de leurs revenus au 1er janvier 2015 les a fait descendre dans la rue.

L'appauvrissement général de la population a été renforcé par l'explosion du chômage, qui a atteint 27 % de la population et plus de 50 % chez les jeunes. La crise et la déréglementation du droit du travail ont laissé les mains totalement libres aux patrons privés. Quant à l'État, obéissant aux injonctions de ses créanciers, il a planifié d'abord des suppressions de postes au fur et à mesure des départs en retraite et des licenciements massifs de travailleurs en situation précaire. En 2012, en plus du non-remplacement de quatre fonctionnaires sur cinq partant en retraite, 15 000 travailleurs ont été mis « en réserve », c'est-à-dire en disponibilité avec un salaire réduit, au maximum pendant un an, avant de les évaluer pour leur donner éventuellement une place à l'autre bout du pays ou leur désigner la porte.

Quant aux privatisations, elles étaient toutes prévues après un dégraissage des effectifs et avec un prix cassé rendant les sociétés privatisables attractives pour les grosses sociétés spéculant sur la misère du pays. Les trusts étrangers, quasiment toujours associés à de grosses fortunes grecques, ont cherché les morceaux de choix, comme la cession de 33 % de parts de l'État dans l'agence des paris sportifs, l'OPAP, une des entreprises les plus rentables du pays, vendue pour 700 millions d'euros, alors qu'en 2012 ses bénéfices se montaient encore à plus de 500 millions. Le gouvernement a aussi accepté la proposition de 900 millions d'euros pour l'ancien aéroport d'Athènes, six cents hectares de terrains en bord de mer, une offre faite par le groupe Lambda Development appartenant à l'armateur Latsis, qui est bien décidé à y construire un centre d'affaires et des résidences de luxe.

Sur tous ces problèmes, les travailleurs grecs, la population ont largement prouvé qu'ils étaient capables de se battre. La fréquence et l'ampleur des manifestations l'ont montré, même si les réactions ont diminué sous l'effet de la lassitude et de la difficulté à survivre. Des conflits limités ont encore lieu contre de nouvelles mesures, y compris contre le travail du dimanche. Les employés du nettoyage du ministère de l'Économie ont fait des grèves et des sit-in depuis octobre 2013.

Les privatisations contestées

Contre la vente de l'aéroport d'Athènes, les associations, les clubs sportifs, le dispensaire de soins gratuits, qui s'étaient installés dans des locaux désaffectés datant des Jeux olympiques de 2004, ont refusé de quitter les lieux.

En juin 2014, la décision du gouvernement de changer la loi sur le littoral, pour permettre la concession de plages et les constructions en bord de mer, a déclenché un tollé, en particulier à Elafonissos, au sud du Péloponnèse, où une pétition en ligne a recueilli rapidement 160 000 signatures dans tout le pays. Le gouvernement a reculé.

Il a reculé aussi sur la privatisation des compagnies des eaux d'Athènes et de Thessalonique. Dans cette ville du nord de la Grèce, les travailleurs de la compagnie, les militants syndicaux, les associations d'usagers, les élus locaux se sont mobilisés en organisant des manifestations. Lors d'un référendum sauvage organisé dans la ville, 218 000 personnes ont voté à 98 % contre le projet. Finalement, le Conseil d'État a mis son veto à la privatisation des eaux d'Athènes et, en juillet 2014, le gouvernement a annoncé que la privatisation était abandonnée dans les deux villes.

Les premières mesures annoncées par le gouvernement répondent donc à des problèmes fortement ressentis par la population. Qu'en sera-t-il de leur application ? En tout cas, depuis des années, des travailleurs ont eu le courage de s'opposer au patronat et à l'État, et cette ténacité sera leur meilleur atout pour imposer au nouveau gouvernement qu'il aille jusqu'au bout de ses promesses.

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