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- Lutte ouvrière n°2427
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Editorial
En Grèce, l'épreuve de force qui s'annonce sera entre les travailleurs et la bourgeoisie
En votant pour Syriza, l'électorat populaire grec a fait un geste fort. Après cinq années d'austérité inouïe, ponctuée de licenciements, de coupes dans les salaires, les retraites et les services publics, il a eu le courage de refuser de nouveaux sacrifices. Malgré le chantage des financiers et des dignitaires européens qui tiennent les cordons de la bourse de leur pays, il a osé rejeter leur diktat. C'est un encouragement pour tous ceux qui n'acceptent pas la situation, bien au-delà de la Grèce.
La Grèce a été frappée par la crise et les cures d'austérité avec une brutalité particulière. Mais quel pays n'a pas été touché d'une façon ou d'une autre ? En France, des milliers de travailleurs s'enfoncent mois après mois dans le chômage et la misère. Tour à tour, droite et gauche s'emploient à défaire nos droits et à aggraver la précarité. Alors, réclamer le droit à une vie digne est aussi notre combat.
L'électorat populaire grec a porté Tsipras au pouvoir. Sans attendre, celui-ci a annoncé l'augmentation du salaire minimum de 170 euros, un 13e mois pour les pensions inférieures à 700 euros, la réembauche de milliers de fonctionnaires, l'arrêt des privatisations et la distribution de bons d'alimentation.
De Paris à Berlin en passant par Londres, cela lui a valu d'être traité d'irresponsable et de provocateur par nombre de politiciens bourgeois. Il suffit qu'il y ait un chef de gouvernement qui montre l'intention de réaliser ses promesses électorales pour que son pays soit mis à l'index par les représentants de la bourgeoisie. C'est dire leur mépris de la démocratie.
Cela a le mérite d'être clair : ces messieurs-dames ne feront pas de cadeau à la Grèce. Et tous de dire et de répéter qu'il est hors de question d'annuler la dette.
Au moment où la Banque centrale européenne s'apprête à mettre 1 000 milliards à la disposition des banquiers, alléger les 300 milliards de la dette grecque ne serait pas la mer à boire. Mais c'est une question de principe. Pour ces représentants de la bourgeoisie, il faut que les pauvres et les travailleurs le sachent : « Une dette, ça se paye » ! Et ils ne céderont pas à la pression populaire !
Quant à la bourgeoisie grecque, grande ou moyenne, qui n'a pas l'habitude de payer des impôts et n'aime pas rendre de comptes, elle s'oppose déjà de toutes ses forces au gouvernement. Elle a commencé sa pression en retirant 14 milliards des guichets des banques grecques. Autant dire qu'elle n'acceptera pas sans rien faire d'augmenter le smic et de payer des impôts.
Que les électeurs de Syriza en soient conscients ou pas, leur vote a, de fait, engagé une épreuve de force. Oh, les mesures de Tsipras ne sont pas révolutionnaires et elles ne suffiront pas à sortir la Grèce du chômage et de la misère. Syriza et les dirigeants européens peuvent d'ailleurs en rabattre et négocier, de telle façon que chacun sauve la face sur le dos des classes populaires grecques.
Mais le peu que Tsipras a promis aux plus démunis devra être pris sur la bourgeoisie et fera l'objet d'un bras de fer entre, d'un côté, les classes populaires et, de l'autre, la classe capitaliste. Cela ne dépend pas seulement de la détermination d'un homme ou d'un gouvernement, ni même de sa force de conviction.
La seule garantie que le salaire minimum et les pensions augmentent, et qu'il y ait les embauches promises dans la fonction publique, réside dans la mobilisation des travailleurs et dans leur organisation. Le plus dur reste donc à faire pour les travailleurs grecs et ils doivent pouvoir compter sur notre solidarité.
Cette solidarité commence par rejeter les laquais de la bourgeoisie qui veulent nous opposer aux Grecs en nous expliquant que, s'ils ne payent pas leur dette, cela coûtera 600 euros par Français. La population grecque n'est pas plus redevable de la dette grecque que nous ne le sommes de la dette française.
Toutes ces dettes ont servi à sauver les banquiers, à commencer par les actionnaires du Crédit agricole et de la BNP, et à faire des cadeaux au grand patronat. Alors, qu'ils s'en débrouillent entre eux !
Au-delà de la solidarité avec les travailleurs grecs, il faut rejeter la politique antiouvrière de notre gouvernement. Ici aussi, il faut dire que l'emploi, les salaires, les retraites, la vie des travailleurs, c'est ce que nous avons de plus cher. Ici aussi, il faut dire que les banquiers pourront bien attendre pour être payés.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 février