- Accueil
- Lutte ouvrière n°2323
- La mort d'un bébé et la maternité Port-Royal (Paris) : La politique d'économies responsable
Leur société
La mort d'un bébé et la maternité Port-Royal (Paris) : La politique d'économies responsable
« On peut penser que, si elle avait accouché comme prévu, le bébé serait vivant ». C'est ce qu'a déclaré le chef de service de la maternité Port-Royal à Paris, où une femme a accouché d'un enfant mort vendredi 1er février. Et d'ajouter que ce jour-là, « on était saturation totale ».
La jeune femme, dont la grossesse était « à risque », s'était présentée le mardi précédent à la maternité. Un rendez-vous avait été fixé pour déclencher l'accouchement le jeudi à 7h, puis reporté à 11h, puis annulé. Se plaignant de douleurs, elle s'est présentée aux Urgences d'où, après un examen médical, elle est rentrée chez elle. Dans la nuit, ne sentant plus les mouvements de son bébé, elle est retournée vers l'hôpital. Là, le médecin n'a pu que constater le décès de l'enfant.
Selon le premier rapport d'enquête publié par l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), « l'examen de l'organisation de la maternité de Port-Royal au cours de cette période permet de dire que les effectifs soignants médicaux et paramédicaux étaient au complet et que la disponibilité des lits et des salles permettait de recevoir les urgences. » Ben voyons... Et les enquêtes vont continuer, se multiplier, pour dénicher au sein du personnel quelque défaillance humaine ou autre hypothétique responsabilité administrative ou médicale.
Mais ce n'est pourtant pas compliqué à comprendre et cela crève les yeux : la responsabilité incombe à la politique menée par tous les gouvernements depuis plus de trente ans, et qui a consisté à casser les maternités. Si en 1975 on comptait 1 369 maternités, on n'en compte plus aujourd'hui que 535 ; en trente-cinq ans, 834 maternités ont donc disparu, et bien sûr sous le prétexte d'améliorer la sécurité des mères et de leurs enfants, de diminuer la mortalité maternelle et celle des nouveau-nés.
En 1998, un décret signé Martine Aubry mettait en place (en application du « plan périnatalité » conçu par Balladur quatre ans plus tôt) l'organisation des maternités en trois niveaux, allant du niveau 1 pour la prise en charge des grossesses normales au niveau 3 pour celle des grossesses à très haut risque. Et il fixait aussi le seuil d'activité minimal des maternités à 300 naissances par an. Les autres, pointées du doigt et accusées d'être dangereuses, devaient être fermées. La plupart l'ont été et quinze ans plus tard, à en croire la Cour des comptes, la France est passée, entre 1999 et aujourd'hui, de la septième à la vingtième place en Europe pour la mortalité infantile. Et la casse des maternités continue. Rien qu'en Île-de-France, onze fermetures supplémentaires sont envisagées.
Faute de place dans les maternités de niveau 1, des femmes dont la grossesse se déroule normalement vont accoucher dans des maternités de niveau 3 qui, du coup, n'ont plus assez de lits pour les grossesses à risque. Ce sont aussi des Samu, des services d'urgences qui, déjà surchargés, doivent prendre en charge des accouchements, de même que des pompiers qui sont promus accoucheurs. Et parfois, c'est le drame. Comme ce fut le cas en octobre dernier pour cette jeune femme dont le bébé est mort dans la voiture qui la conduisait à Brive, à plus de cent kilomètres de son domicile, parce que la maternité de Figeac a été fermée.
La ministre de la Santé a ordonné « une enquête exceptionnelle, à la fois administrative et médicale ». Elle cherche des lampistes. Elle a pourtant les responsables sous la main : tous ceux qui, depuis plus de trente ans, organisent la casse des maternités et d'une bonne partie des hôpitaux du pays.