Goodyear – Amiens : Brandir la menace des licenciements... pour préparer une fermeture06/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2323.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Goodyear – Amiens : Brandir la menace des licenciements... pour préparer une fermeture

Les actionnaires de Goodyear ont annoncé leur intention de fermer l'usine d'Amiens et de licencier ses 1 173 salariés.

Depuis 2007, la direction a cherché en vain à imposer une réorganisation du travail et des plans de licenciements. Une succession de coups de colère, de grèves ponctuelles mais quasi totales, ont à chaque fois incité la direction à de prudentes retraites. Aujourd'hui, politiciens socialistes locaux, journalistes, syndicalistes tombent à bras raccourcis sur la section locale de la CGT, syndicat qui a su entraîner la très grande majorité des travailleurs. Ils lui font endosser la responsabilité des licenciements, dus à l'intransigeance du syndicat, selon tous ces prévenants critiques qui n'ont jamais apporté leur soutien aux salariés. Refrain que reprend Arnaud Montebourg, qui s'était fait une image de socialiste de gauche en paradant devant les caméras sur le parking de l'usine d'Amiens lors des primaires socialistes, et qui à présent exhorte la CGT à « mettre de l'eau dans son vin ».

Ce qu'auraient dû accepter les travailleurs de Goodyear, selon ces laudateurs du patronat, c'est un premier plan de réorganisation du travail visant à supprimer l'équipe du week-end, soit près de 500 postes, puis un second plan consistant à accepter de sacrifier les 817 ouvriers produisant les pneus de voitures de tourisme afin de complaire au repreneur éventuel du secteur pneus agricoles, Titan, qui en échange promettait de ne pas fermer l'usine pendant deux ans. Pour ne pas être licenciés, les ouvriers auraient donc dû accepter de bonne grâce... d'être licenciés ! En réalité, la direction de la multinationale du pneu a programmé depuis de nombreuses années la fermeture de l'usine. Elle a continué à gagner autant d'argent que possible en n'investissant plus un sou dans le renouvellement des machines, dont certaines ont plus de soixante ans, laissant ainsi pourrir à dessein tout l'appareil productif.

Les syndicats de l'usine jumelle de Dunlop sont cités en exemple pour leur prétendu sens des responsabilités, eux qui ont accepté contre l'avis des salariés une profonde dégradation des conditions de travail. Dans cette usine séparée de celle de Goodyear par un grillage et que le groupe a rachetée grâce à ses plantureux bénéfices il y a quelques années, la direction du groupe a ainsi réussi à imposer dès 2009 un système d'équipe en 4x8.

À l'usine de Continental, les sacrifices consentis par les salariés en échange de la promesse qu'il n'y aurait pas de licenciements ont été vains. À Dunlop, l'engagement d'être, en échange des 4x8, épargné par la menace de pertes d'emplois a été immédiatement bafoué, la direction prétextant un changement de la situation économique pour geler les embauches promises et ne pas remplacer les départs en retraite. Et elle a depuis engagé une course aux sacrifices visant à augmenter la productivité des ouvriers, qu'elle présente à chaque fois comme « la » nouvelle condition nécessaire pour préserver les emplois.

À présent que le nombre des salariés de l'usine Goodyear d'Amiens a chuté, passant de 1 700 à moins de 1 200 à la faveur surtout des départ à la retraite et des ouvriers trouvant une échappatoire, la direction se fait de nouveau arrogante, pensant que la combativité des ouvriers s'est émoussée lors de tous ces mois passés dans la crainte, à tourner en rond dans une usine laissée volontairement presque à l'arrêt. Elle propose tout juste 100 reclassements dans l'Allier et en Allemagne, ainsi... qu'une cellule d'écoute psychologique.

Mais rien n'est moins sûr que cette usure et cette absence de réactivité sur lesquelles parie la direction. Le responsable de la CGT de l'usine, Mikaël Wamen, un proche du dissident communiste Maxime Gremetz, s'il met en garde les ouvriers contre une trop brusque explosion de colère, qu'il présente comme le but recherché par le patron, appelle à la grève le 12 février et à une manifestation devant le siège social de Goodyear, avec les salariés des autres entreprises du pays touchées par des plans de restructuration.

La direction de la CGT, à Montreuil, réprouve le ton de sa section locale, qu'elle juge peu compatible avec l'image qu'elle veut donner de la confédération. Les travailleurs de Goodyear ne pourront donc compter que sur eux-mêmes et surtout sur les autres travailleurs du pays qu'ils pourraient entraîner dans leur lutte, dont beaucoup sont touchés par les offensives patronales tous azimuts.

La multinationale, numéro un ou deux mondial du pneumatique selon les années, déclarait avoir encaissé 321 millions de dollars de bénéfice net en 2011 et 85 millions lors du seul troisième trimestre 2012. Le maintien des emplois est parfaitement possible, à condition de prendre sur les profits pour partager le travail entre tous, à commencer par une répartition entre les ouvriers de Goodyear-Amiens destinés au chômage et ceux de Dunlop épuisés au travail.

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