Espagne : Corruption et pouvoir de la bourgeoisie06/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2323.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Corruption et pouvoir de la bourgeoisie

Il y a deux semaines éclatait l'affaire Barcenas, du nom de l'ex-trésorier du Parti populaire (le PP), le parti conservateur du chef du gouvernement Mariano Rajoy. Barcenas devait s'expliquer sur ses comptes en Suisse, et à cette occasion la presse révélait qu'entre 1997 et 2009 des enveloppes substantielles avaient été distribuées chaque mois à la plupart des dirigeants du PP. Depuis, le scandale ne cesse de gonfler, en même temps que grandit parmi la population l'écoeurement, voire la colère, de tous ceux qui en ont assez de tous ces politiciens qui détournent l'argent public, se remplissent les poches, tout en exigeant des sacrifices des classes populaires.

En réalité, l'affaire des enveloppes n'est que la partie émergée de la corruption de la classe politique. Chaque jour amène de nouvelles révélations sur la réalité des relations entre ces politiciens et les patrons de grandes entreprises, dont des commissions occultes pour l'adjudication de contrats publics des administrations dirigées par le PP. Bref, derrière toutes ces manipulations, il y a le financement frauduleux et sciemment dissimulé d'un PP dont les dirigeants sont copieusement arrosés. Autant de scandales qui rendent encore plus insupportables les licenciements, les baisses de salaire, les expulsions et les coupes budgétaires dans les services publics.

Si, dans un premier temps, Rajoy avait promis une enquête transparente, il menace aujourd'hui d'attaquer en justice quiconque oserait dire que le PP est un parti corrompu, c'est-à-dire la vérité. Mais il faut dire que, depuis, il est personnellement mis en cause après la publication dans le journal El Pais du 31 janvier dernier des pages de la comptabilité secrète de Barcenas. Près de 60 % de l'électorat du PP ne croient déjà plus en l'innocence de Rajoy.

Des manifestations devant les sièges et locaux du PP ont eu lieu un peu partout dans le pays. « Rajoy démission », « Qu'ils s'en aillent tous », ont scandé et continuent de scander les manifestants, malgré les directives du gouvernement d'empêcher les rassemblements. Aussi une pétition, avec pour objectif d'obtenir un million de signatures - et en voie de les réunir - circule sur le Net depuis le 31 janvier, pour obtenir la démission des responsables du PP, dont celle de Rajoy, et demander aux partis politiques de prendre position contre la corruption. « Qu'ils s'en aillent », crient les manifestants pour exprimer leur ras-le-bol. Mais beaucoup savent que cela ne suffira pas pour mettre un coup d'arrêt aux reculs que subit l'ensemble de la société espagnole depuis des années.

Le chef de l'opposition socialiste, Rubalcaba, vient d'ailleurs de demander lui aussi la démission de Rajoy. Qu'ils s'en aillent, certes ! Mais pour laisser la place à qui ? En supposant que le PSOE soit moins impliqué dans des affaires de corruption, qu'est-ce que cela changerait pour les travailleurs de retrouver les socialistes au gouvernement ? Réclamer une « démocratie réelle », expliquer que la « démocratie aurait été dérobée aux citoyens par les élites politiques et patronales », revient à travestir ce qu'est cette fameuse démocratie bourgeoise. En Espagne comme en France et ailleurs, elle n'est rien d'autre que la liberté des possédants de faire passer leurs intérêts particuliers, à savoir leurs profits, comme relevant de l'intérêt général. S'il « faut chasser tous les voleurs », ce n'est pas seulement aux politiciens corrompus qu'il faut s'en prendre, mais aux capitalistes et aux banquiers, et à tout ce système qui vole l'ensemble de la société. Voilà l'objectif que doivent se donner les travailleurs, pour rejeter cette politique d'austérité sans fard qui se traduit, entre autres, par un taux de chômage insupportable de plus de 26 %.

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