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- Lutte ouvrière n°2299
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Dans le monde
Russie : Poutine-hiérarchie religieuse, un tandem d'enfer
Deux ans de colonie pénitentiaire pour trente secondes de chanson « impie ».Le verdict du procès des Pussy Riot, à Moscou, n'a pas surpris grand monde. Que les trois jeunes chanteuses de ce groupe écopent de camp pour avoir entonné un couplet anti-Poutine dans une cathédrale et l'avoir diffusé sur le Net, c'est bien dans le style d'un régime russe qui veut dissuader quiconque de le contester.
Rappelons que les manifestations des mois derniers, contre les fraudes électorales puis contre la volonté du pouvoir de réinstaller Poutine au Kremlin, ont donné lieu à des centaines d'arrestations, sans compter les blessés. La dernière en date, le 6 mai, veille de la prise de fonctions de Poutine pour son troisième mandat, ayant été interdite, onze manifestants ont atterri en prison sans jugement.
Le procès des Pussy Riot a le mérite d'étaler au grand jour l'arbitraire de ce régime.
Les Pussy Riot ont mis en cause le patriarche de Moscou, Alexis II, pour son seul soutien public à Poutine. Mais l'Église ne pouvait faire moins que de prétendre que la foi était insultée et réclamer « une punition sévère » pour un acte « pire qu'un crime ».
En Occident, la presse, des artistes et quelques politiques ont saisi l'occasion pour montrer du doigt Poutine, qui ne l'avait pas volé. Mais la plupart se sont abstenus de pointer le rôle que joue ici la hiérarchie orthodoxe. Pourtant, il n'est pas plus reluisant que celui de Poutine et des siens. Et pour une raison simple : l'Église orthodoxe russe n'est qu'une branche, certes un peu spéciale, de la couche sociale qui domine et pille le pays.
Quand l'Union soviétique s'effondra en 1991, l'appareil du parti unique ayant volé en éclats, la caste dirigeante chercha un autre moyen de contrôler les âmes. La hiérarchie religieuse n'aspirait qu'à cela. Dans un pays à la dérive, dont la population s'appauvrissait à vue d'oeil, les popes paradaient au volant de belles voitures. Des églises flambant neuf surgissaient partout et leurs coupoles dorées affichaient la prospérité de l'institution. Elle se présentait comme vouée à soulager les peines des pauvres pécheurs mais, pour elle, bonnes oeuvres rimait avec bonnes affaires. L'Église orthodoxe s'arrogea le contrôle de l'aide alimentaire internationale, quand le président Bush écoulait des surplus agricoles américains en ex-URSS. Il y en avait pour des milliards. Le denier du culte rutila plus encore quand le président russe Eltsine confia aux popes le monopole de l'importation des cigarettes étrangères.
Divine nicotine ! Les popes n'en finissent plus de célébrer l'État russe, ses ors, ses hommes et leurs méfaits, dans les vapeurs d'encens. Ils ont béni les sales guerres d'Eltsine et de Poutine dans le Caucase. Ils ont parrainé la remise en cause du droit à l'avortement et donnent des leçons de morale à toutes et tous.
Quant à la cathédrale du Christ-Sauveur, lieu du « crime » musical des Pussy Riot, elle accueille parfois des fêtes privées de gens richissimes. Mais eux ont le bon goût de payer le patriarcat, et de ne pas maudire Poutine en public.