Afrique du Sud : Après le massacre de Marikana la grève des mineurs s'étend22/08/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/08/une2299.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique du Sud : Après le massacre de Marikana la grève des mineurs s'étend

34 morts, 78 blessés et 259 arrestations - tel est le bilan officiel de l'opération menée le 16 août par la police sud-africaine, contre les grévistes d'une mine de platine de la compagnie anglo-sud-africaine Lonmin, à Marikana, à 100 km de Johannesburg.

Les grèves sont souvent marquées par des morts en Afrique du Sud. Mais cette opération policière est la plus sanglante qu'ait connue le pays, non seulement depuis l'avènement du régime multi-racial du Congrès national africain (ANC), en 1994, mais même depuis le massacre de Sharpeville perpétré en 1960 par le régime de l'apartheid.

La grève de Marikana avait démarré le 10 août parmi les 3 000 tailleurs de fond, pour un salaire mensuel de 1250 euros (soit 200% d'augmentation) - revendication reprise ensuite par le reste des 28 000 ouvriers de la mine qui avaient rejoint le mouvement.

C'est que, malgré les promesses du régime, ces mineurs qui extraient l'un des métaux les plus précieux de la planète en sont toujours à survivre dans ce qu'on appelle, par un cynique euphémisme, des «campements informels» - des bidonvilles sans électricité où 30 foyers se partagent un seul point d'eau et un seul sanitaire - dans un pays où l'inflation a rendu bien des produits de première nécessité plus chers qu'en Europe.

Cette aggravation de la condition ouvrière est générale, et cela alors même que jusqu'à fin 2010, les grandes compagnies minières comme Lonmin, Anglo-American, BHP, etc. ont accumulé des profits records grâce au boom du marché mondial des matières premières qui suivit le krach de 2008.

Face à l'avidité de ces compagnies, les mineurs ne peuvent guère compter sur des appareils syndicaux notoirement corrompus et très liés tant au régime de l'ANC qu'aux compagnies elles-mêmes. Comme en témoigne le fait que, par exemple, on trouve au conseil d'administration de Lonmin un ancien secrétaire général du syndicat des mineurs, Cyril Ramaphosa, qui, devenu milliardaire, a conservé son influence sur la direction de ce syndicat.

L'exaspération des mineurs a déjà éclaté bien des fois malgré l'opposition des appareils syndicaux, comme lors de la vague de grèves de 2010 dans les mines. Ce fut le cas aussi en mai, dans une autre mine de Lonmin, cette fois pour soutenir le président de la section locale du syndicat, licencié par la compagnie à la suite de son exclusion par l'appareil syndical qui le jugeait trop combatif.

A Marikana, une fois de plus, c'était contre la volonté des appareils syndicaux que les mineurs étaient passés à l'action, illégalement donc selon la législation. Tout de suite, ils avaient subi les attaques tant des nervis de Lonmin que de la police. La première semaine de grève avait fait dix morts, dont six parmi les grévistes.

Le 16 août, suite au refus de Lonmin d'ouvrir des négociations, les grévistes avaient occupé une colline proche de la mine, annonçant qu'ils ne quitteraient pas les lieux avant d'avoir obtenu satisfaction. Rapidement d'importantes forces de police les avaient encerclés, appuyées par des hélicoptères et des blindés. Il avait ensuite suffi de quinze minutes d'une fusillade nourrie pour que le massacre soit accompli.

Face à ce bain de sang, la direction de la confédération syndicale Cosatu a choisi son camp par un communiqué accusant les grévistes d'avoir déclenché les hostilités en tirant sur la police (qui n'a pourtant subi aucune perte !). Quant au président sud-africain Jacob Zuma, il s'est montré plus prudent en annonçant la mise en place d'une commission d'enquête. Il faut dire que le régime ne peut guère se permettre une réaction de colère dans les mines de platine (80% de la production mondiale) et moins encore dans l'ensemble du secteur minier où une explosion sociale tarirait la principale source de devises du pays.

Mais si les barons de la mine comptaient briser la colère des mineurs par la terreur, ils risquent d'en être pour leurs frais. Déjà, face à la poursuite du mouvement à Marikana après le massacre du 16 août, la direction de Lonmin a dû renoncer à sa menace de licencier les mineurs qui n'auraient pas repris le travail le 20 août.

Mais depuis, le mouvement a commencé à s'étendre. Le 21 août, le mouvement s'est mis à gagner peu à peu la douzaine de mines de platine du complexe de Rustenberg, qui emploie 58 000 ouvriers. De plus en plus de mineurs reprennent la revendication des 1250 euros par mois. Et dans les «campements informels», ils se préparent à poursuivre le combat au rythme des vieux chants de lutte contre l'apartheid - tant il est vrai que 18 ans après l'abolition formelle de l'apartheid racial, l'apartheid social de l'exploitation capitaliste reste, lui, à abattre.

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