Argentine : L'État reprend les capitaux de Repsol26/04/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/04/une2282.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : L'État reprend les capitaux de Repsol

Le 17 avril, la présidente argentine Cristina Kirchner, dénonçant le fait que « l'Argentine est le seul pays d'Amérique latine qui ne contrôle pas ses ressources naturelles », a annoncé la « récupération » par l'État argentin de 51 % du capital de la compagnie pétrolière argentine YPF, au détriment de son principal actionnaire actuel, la compagnie espagnole Repsol.

Les dirigeants argentins, comme le ministre de l'Économie, dénoncent le « pillage » de la compagnie espagnole qui, en 2011, a rapatrié 90 % de ses gains au lieu de les investir sur place, avec cette conséquence pour l'économie argentine, traditionnellement exportatrice d'hydrocarbures, qu'elle a dû importer pour dix milliards de dollars (environ 7,6 milliards d'euros) de pétrole l'an dernier. La presse argentine, emboîtant le pas de la présidente, dénonce une « seconde colonisation » espagnole. La une du quotidien Pagina 12 a montré un Christophe Colomb débarquant, drapeau de Repsol déployé.

Du côté des autorités et de la presse espagnoles, la réaction a été vive : « L'Argentine mérite des représailles, car elle a ridiculisé la légalité internationale et le droit de la libre entreprise », a écrit El Pais. Mais quoi qu'en disent de tels scribouillards, l'État argentin n'envisage pas une nationalisation sans rachat, mais prévoit d'indemniser la compagnie espagnole.

La mesure est en tout cas approuvée par la majorité des Argentins et est aussi populaire que l'espoir de récupérer les îles Malouines, sous contrôle britannique depuis 1833, un sujet que la présidente a également agité ces derniers temps. Sur ces deux questions, le gouvernement veut visiblement flatter les sentiments anti-impérialistes toujours profonds en Amérique latine.

La présidente argentine est là tout à fait à contre-pied de ses prises de position de 1992, quand elle était une député péroniste et que feu son mari gouvernait la province de Santa Cruz, riche en pétrole. Tous deux soutenaient alors les privatisations du gouvernement Menem qui avaient permis à Repsol de prendre le contrôle d'YPF. Encore en 2010, la présidente avait fait l'éloge de Repsol. En outre, un ex-directeur de la banque centrale argentine a remarqué que, si Repsol a pu si facilement rapatrier la presque-totalité des profits réalisés avec YPF, c'est aussi parce l'État argentin n'exerce aucun contrôle contraignant sur les multinationales.

Le gouvernement argentin voudrait aujourd'hui réduire sa facture énergétique, car elle est une des sources de la hausse galopante des prix qui, elle-même, alimente le mécontentement de la population. Mais, comme bien d'autres avant eux, les dirigeants argentins espèrent récupérer à leur profit ce mécontentement populaire, celui qui a été exprimé, par exemple, par des manifestants venus soutenir la présidente avec des pancartes exigeant la nationalisation totale de YPF.

Si la multinationale prédatrice Repsol cesse de piller l'économie argentine, tant mieux pour la population du pays, encore que Repsol sera indemnisé et que les groupes privés argentins qui détiennent près de 43 % des capitaux de YPF vont continuer d'encaisser les profits correspondants, puisqu'il n'est pas question de les exproprier. Car l'État argentin est d'abord au service des possédants argentins, même si ses dirigeants peuvent à l'occasion se tailler un succès en écornant les intérêts d'une multinationale impérialiste.

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