Le ministre Woerth a affirmé l'existence d'un « problème démographique » avec l'augmentation, absolument normale, de l'espérance de vie en France. À ce problème, il conviendrait de « d'abord répondre par la démographie ». Cela consisterait paraît-il à « augmenter la durée passée au travail dans une vie »... Admirez l'euphémisme, qui cache un pressant désir de reculer l'âge légal de départ en retraite !

Une notion démographique que Woerth et ses conseillers se gardent bien d'utiliser est, pour citer l'Insee, « l'espérance de vie « en bonne santé », c'est-à-dire sans limitation d'activité (ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d'affections aiguës ou de traumatismes) qui répond à un enjeu de bien-être. En France, en 2007, l'espérance de vie « en bonne santé » à la naissance est estimée à 64,2 ans pour les femmes. Elle est plus faible pour les hommes (63,1 ans)[...] Pour les femmes et les hommes âgés de 65 ans, l'espérance de vie en bonne santé est respectivement de 9,9 et 9,4 années » ! On est loin de la deuxième jeunesse éternelle invoquée par le gouvernement...

Une autre statistique, récente et connue elle aussi, compare ouvriers et cadres. Elle rappelle que, dans une vie déjà en moyenne plus courte, un ouvrier de 35 ans peut en moyenne espérer vivre jusqu'à 76 ans, mais seulement jusqu'à 59 ans sans incapacité, contre 82 ans et 69 ans pour un cadre.

On ne saurait, outre le ridicule du procédé, qu'en dénoncer la mauvaise foi. Eh bien oui, l'espérance de vie s'allonge, et depuis des décennies, en parallèle notamment avec la diminution légale de la durée du travail. On appelle cela le progrès ! C'est précisément à cela que la campagne du gouvernement s'attaque, c'est précisément ce progrès qui est en danger. Et il n'est pas question de laisser les ennemis du monde du travail inverser le cours de l'évolution démographique en reculant l'âge de la retraite jusqu'à 62, 63 ou même 68 ans, comme ils l'évoquent.