Marseille : Ne pas laisser le poison raciste se répandre.02/07/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/07/une2083.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Marseille : Ne pas laisser le poison raciste se répandre.

À la cité de la Bricarde à Marseille, samedi 21 juin, trois Roms ont été agressés par une soixantaine de personnes ; la police est intervenue pour éviter le lynchage, mais tous trois ont dû être hospitalisés.

Mais voilà que, immédiatement, certains ont interprété l'incident à leur façon : les policiers auraient laissé filer les coupables, les auraient protégés. En effet, depuis des mois, une rumeur court à Marseille : les " Roumains " enlèveraient des enfants pour pratiquer le trafic d'organes. En fait, ceux qui sont visés sont les Roms d'Europe de l'Est, qui tentent de survivre comme ils peuvent, notamment de mendicité et de récupération de matériaux métalliques. Cette rumeur se propage notamment par SMS, et elle s'est appuyée sur la disparition il y a quelques semaines d'une jeune fille, Fatima.

Récemment, la tension est montée de plusieurs crans, avec des parents qui refusent d'envoyer les enfants à l'école seuls et disent avoir vu les kidnappeurs. Une mère d'élève a prétendu avoir échappé à un enlèvement, ce qui a été transformé en " une mère a été enlevée " ; il semble qu'en fait il s'agissait d'une tentative de vol à la tire. Récemment aussi, dans le quartier de la Rose, une camionnette a été caillassée par trois jeunes d'environ quatorze ans qui pensaient tenir les coupables ; ils ont eu la surprise de voir sortir du véhicule des policiers en civil, qui surveillaient les environs. Ces jeunes, prêts à faire n'importe quoi, pensaient eux aussi jouer les défenseurs de la cité et bénéficier, pour une fois, de l'approbation générale.

Cette psychose collective n'est pas propre aux quartiers de la Rose et de la Bricarde. On entend les mêmes délires dans d'autres quartiers. La police a officiellement démenti, mais jusqu'ici en vain. Comment démentir une rumeur sans l'amplifier ? Les articles de la presse locale, si on les lit bien, confirment que cette rumeur est parfaitement infondée. Mais ils ont été compris de travers, comme " même les journaux en parlent ".

Dernier incident en date, lors de l'examen du brevet des collèges, des bagarres ont éclaté dans un centre d'examen entre jeunes d'un collège public et élèves issus d'un collège privé juif sous contrat. Plusieurs jeunes s'en étaient pris à un autre de l'école juive, isolé ; certains élèves cherchaient à calmer le jeu en disant : " Ceux qu'il faut taper, c'est les Roumains noirs ! " Ambiance détestable, où toutes les mauvaises raisons se mêlent pour se dresser communauté contre communauté.

En Italie, à Naples notamment, on a assisté récemment à des expéditions punitives contre des camps de Roms, faisant suite aux campagnes de la presse et du gouvernement présentant les immigrés comme des criminels et cherchant à tourner le désespoir des plus pauvres vers plus pauvres qu'eux.

À Marseille, ceux qui propagent ces rumeurs justifient les menaces ou actes violents par la peur " pour nos enfants ". Mais, consciemment ou non, sur un fond de misère, d'exaspération, ils risquent de mettre en branle le même mécanisme.

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