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Grande-Bretagne - Le désengagement d'Irak : Plus ça change, moins ça change
L'article que nous publions ci-dessous est extrait de l'éditorial des bulletins d'entreprise de nos camarades britanniques de Workers' Fight publié le 18 décembre.
La passation des pouvoirs aux forces irakiennes dans la province de Bassorah, dimanche 16 décembre, a fait l'objet de bien des cérémonies. Mais signifie-t-elle qu'après près de cinq ans d'une occupation sanglante les troupes britanniques vont être rapatriées ? Eh bien, pas vraiment.
En fait, il n'y aura aucun changement sur le terrain. Le même nombre de troupes restera caserné dans l'énorme base militaire de l'aéroport de Bassorah - entre 4 700 et 5 500 suivant qui on choisit de croire. Brown a promis qu'il ferait tomber ce nombre à 2 500 après avril. Mais le fera-t-il, et quand l'occupation prendra-t-elle fin ? Qui lui fera confiance, vu le passé des travaillistes ?
Lors de sa récente visite à Bassorah, Brown s'est vanté de ce que le niveau de violence en Irak avait été " réduit de 90 % ". Mais alors pourquoi son acolyte, le secrétaire aux Affaires étrangères David Milliband, prétend-il que maintenir les troupes est nécessaire pour " conserver la capacité d'intervenir de nouveau en cas de troubles " ?
Pourquoi, si le niveau de violence est aussi bas que le claironne Brown, la 14e division irakienne, une unité armée et entraînée par les forces britanniques, ne serait-elle pas capable de faire face ? À moins, bien sûr, que Brown nous mente.
Sur ce plan, un sondage d'opinion récent parmi les habitants de Bassorah est révélateur : 86 % pensent que l'occupation britannique a aggravé l'insécurité. Et cela n'a rien d'étonnant. L'invasion a amené l'émergence de milices intégristes dans le vide politique laissé par l'effondrement de Saddam Hussein. En s'appuyant sur ces milices pour contrôler la population, tout en les jouant les unes contre les autres, la coalition américano-anglaise n'a fait que gonfler leur importance et attiser leurs rivalités.
Aujourd'hui, ces milices règnent sur le terrain, elles contrôlent des pans entiers de l'appareil d'État et se livrent entre elles à une guerre territoriale permanente. De ce point de vue, Bassorah n'est en rien différent du reste de l'Irak, comme en témoigne le fait que, dans leur surenchère pour s'imposer dans les rues de Bassorah, les milices ont assassiné, au cours des trois derniers mois, plus de 40 femmes coupables de ne pas porter les " bons " vêtements.
Voilà pour l'" amélioration " de la sécurité ! Mais le gouvernement Brown pourrait se satisfaire d'une telle situation. Après tout, en quoi le fait que les Irakiens soient pris entre deux feux par les milices pourrait le tracasser, alors que c'est lui qui donna l'ordre de les bombarder !
Néanmoins, il y a une complication dans la politique de Brown, qui est sans doute sa principale raison pour maintenir les troupes en Irak. Car ce gouvernement a toute raison de craindre qu'une fois ses troupes parties, les autorités irakiennes (et leurs mentors américains) ne prennent plus en compte les intérêts britanniques - c'est-à-dire les intérêts des grands groupes britanniques.
Alors s'il se trouve des soldats pour se demander pourquoi ils doivent rester à faire des exercices sur l'aéroport de Bassorah et à risquer leur vie du fait des voitures piégées ou des attaques au mortier, la réponse est la suivante : pour la même raison qu'on les a envoyés en Irak dès le départ, c'est-à-dire pour protéger les intérêts des gros actionnaires de la City de Londres !
Retrait immédiat des troupes d'Irak !