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Football : Quand les supporters se mobilisent contre une expulsion
Le monde du football britannique est connu pour ses matchs en deux temps - d'abord le football, ensuite les bagarres entre supporters ou avec la police, le tout bien arrosé de bière. Il est aussi connu pour les insultes racistes qui pleuvent parfois sur les joueurs dont la couleur de peau n'est pas assez blanche, quand ils ne sont pas attaqués physiquement sur le terrain.
C'est pourquoi les faits qui ont marqué le match du 15 décembre entre l'équipe de Watford (banlieue de Londres) et celle de Plymouth Argyle (port-garnison de la Marine) ont fait sensation. Ce jour-là, à la mi-temps, une grande partie des 18 000 supporters se dressèrent dans les tribunes devant les caméras de télévision, en arborant de grandes affiches avec la photo du joueur de Watford Al Bangura et ces mots : " Il est des nôtres ". Ils exprimaient ainsi leur colère face à la menace de déportation qui pèse sur ce joueur.
Al Bangura est né au Sierra Leone, ancienne colonie britannique en Afrique, aujourd'hui déchirée par les rivalités entre clans. À 15 ans, il dut fuir le pays pour échapper à l'un de ces clans et échoua en Angleterre en 2003, où il demanda le statut de réfugié prévu pour les mineurs victimes de persécutions, qu'il obtint.
Mais l'an dernier un bureaucrate, s'avisant que Bangura avait atteint sa majorité, révoqua son statut et entreprit de lui appliquer les lois anti-immigrés. Il ordonna sa déportation au Sierra Leone, à charge pour lui de redemander un visa auprès de l'ambassade britannique. Et tant pis si Bangura y laissait sa peau ! Quand l'appel de Bangura contre cette décision fut rejeté par un tribunal spécial, un mouvement de solidarité se développa dans le milieu du football, dont la manifestation du 15 décembre a été l'une des expressions.
Face à cette menace de déportation, Bangura a au moins la chance d'être un footballeur connu et apprécié pour sa simplicité, qui tranche avec l'arrogance de tant de vedettes de ce sport, et de ce fait il se trouve entouré et soutenu. Mais ce n'est pas le cas de tant d'autres immigrés anonymes qui sont pris dans l'engrenage des lois scélérates passées par les travaillistes à la fin des années 1990, et renforcées depuis, à la suite des attentats de New York puis de Londres.
La police se livre ainsi à une chasse permanente au " faciès " et arrête chaque mois des milliers d'immigrés, afin de les expulser en urgence. Si ceux-ci n'ont pas la possibilité de contacter un avocat sur-le-champ, ils perdent le droit de faire appel. Or la plupart ignorent tout de leurs droits et il ne faut pas compter sur l'Immigration pour les en informer, bien sûr. De sorte que les autorités réussissent à déporter plus ou moins qui elles veulent, y compris parfois des immigrés en situation tout à fait légale. Une fois rompus les liens avec l'Angleterre, l'opprobre de la déportation figurant au dossier des intéressés assure que même les plus chanceux devront attendre un an, voire plus, pour avoir un nouveau visa.
Les lois scélérates des travaillistes n'ont d'autre motif que leur volonté de flatter les préjugés de la fraction flottante de l'électorat attirée par la démagogie xénophobe du Parti Conservateur. Cela souligne l'hypocrisie d'un parti qui a fait du " politiquement correct " un principe de gouvernement, multipliant commissions et rapports sur le racisme, ou pratiquant la " discrimination positive ". Or si quelque chose alimente le racisme, c'est bien la criminalisation des immigrés introduite par la politique gouvernementale !
Pour une fois, la politique anti-immigrés des travaillistes s'est heurtée à un os. Ces supporters, en grande partie des jeunes travailleurs et des engagés de la Marine, que les milieux officiels accusent, avec un certain mépris social, de racisme viscéral, auront mis en lumière l'hypocrisie du gouvernement Brown.