Sarkozy et les démons de Mai 68 : Démagogie et délire verbal02/05/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/05/une2022.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sarkozy et les démons de Mai 68 : Démagogie et délire verbal

Nicolas Sarkozy vient de fêter, un an à l'avance, l'anniversaire du mouvement social de Mai 1968. À sa manière, haineuse, mensongère et démagogique.

Lors de son show dominical du 29 avril à Paris-Bercy, ses envolées lyriques l'ont entraîné à instruire le procès de Mai 68. Comme il sied à un politicien réactionnaire qui lorgne le plus à droite possible, il accuse " l'héritage de Mai 68 " d'avoir aboli " l'autorité ", " la politesse ", " le respect ", le " grand ", le " sacré ", les " règles ", les " normes ", l'" interdit ". D'ailleurs, Mai 68, selon Sarkozy, ne se caractérise-t-il pas par la citation " Vivre sans temps mort, jouir sans entrave ", qu'il transforme incidemment en " vivre sans contrainte ", ce qui est loin d'avoir le même sens que l'appétit de vivre proclamé par les jeunes manifestants de l'époque.

" L'héritage de Mai 68 " aurait également d'après lui " liquidé l'école de Jules Ferry ". Comment l'initiateur des multiples textes de loi " sur la prévention de la délinquance ", essentiellement basés sur le durcissement de la répression envers les mineurs délinquants - ou considérés comme de futurs délinquants -, sur la détention provisoire dès l'âge de 13 ans, peut-il prétendre parler au nom de l'école ? Mais si l'école publique est aujourd'hui loin de remplir le rôle qui devrait être le sien, est-ce à cause de Mai 68, ou de la diminution du nombre des enseignants, des restrictions budgétaires, dans lesquelles les gouvernements, auxquels Sarkozy a participé depuis cinq ans, se sont particulièrement illustrés ?

Pire, Mai 68 aurait " introduit le cynisme dans la société et la politique ". Renversant ! Ainsi, toujours d'après Sarkozy, c'est " le culte de l'argent-roi, du profit à court terme, de la spéculation, les dérives du capitalisme financier " qui " ont été portés par les valeurs de Mai 68 ".

Le paroxysme du délire politique est alors atteint, lorsque Sarkozy proclame, au mépris de toute vérité, que Mai 68 a " préparé le terrain au capitalisme sans scrupule et sans éthique des parachutes en or, des retraites chapeaux et des patrons voyous ", que Mai 68 est à l'origine du triomphe du " prédateur " et du " spéculateur ". Ce capitalisme-là est pourtant bien dans la ligne de celui qui a fait la fortune des Schneider, des De Wendel, des grandes familles qui ont prospéré, grâce à la sueur et au sang des travailleurs exploités dans les métropoles capitalistes et dans les colonies.

Si les mots ont un sens, Sarkozy, son parti, ses soutiens politiques affichés dimanche à Bercy sont précisément les défenseurs acharnés du capitalisme dans ses formes passées mais aussi présentes, et le projet politique sur lequel il se présente consiste à libérer le plus possible le grand patronat des entraves que la loi, grâce aux combats passés de la classe ouvrière, impose encore à l'exploitation croissante du monde du travail.

Et si Sarkozy diabolise à ce point Mai 68, c'est surtout parce qu'à l'époque, il y a presque 40 ans, des millions de jeunes, d'ouvriers, ont démontré qu'il était possible de s'en prendre au pouvoir des représentants politiques de la bourgeoisie, incarné depuis dix ans par De Gaulle. Des millions de travailleurs en grève, parfois pendant plusieurs semaines, avaient alors arrêté la vie économique de ce pays, imposé des augmentations de salaires et flanqué une sainte trouille dans les rangs des " décideurs " qui ne décidaient plus grand-chose.

C'est un tel anniversaire que Sarkozy, élu ou pas, craint de vivre et c'est en effet ce que nous pouvons lui souhaiter.

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