Padoue (Italie) : Le maire réinvente le ghetto18/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1985.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Padoue (Italie) : Le maire réinvente le ghetto

La municipalité de Padoue, en Italie du Nord, a fait construire un mur d'acier de 84 mètres de long sur trois de haut pour isoler un quartier «sensible» du reste de la ville. Ce quartier est en fait une ancienne cité universitaire composée de plusieurs immeubles où logent encore plus de mille personnes, en grande majorité des immigrés en situation régulière ou non.

Ils viennent essentiellement d'Afrique noire (Nigeria, Sénégal, Togo, Sierra Leone) ou du Maghreb (Maroc et Tunisie) mais aussi de Roumanie ou de Macédoine. Dans ce secteur pauvre et abandonné prolifèrent les trafics, celui de la drogue en particulier, avec des rivalités entre bandes qui dégénèrent parfois en affrontements violents. Sous prétexte de «rendre la vie plus difficile aux dealers», le maire a décidé la construction de ce mur et l'établissement d'un point de contrôle à l'entrée de la zone, avec chevaux de frise, grilles et voitures de police.

Le maire est un «démocrate de gauche», la principale formation de la coalition de Romano Prodi. Il met en avant le fait qu'il ne s'agit que d'une mesure temporaire, qu'en un an, il a déjà fait évacuer trois immeubles et relogé 330 immigrés alors que la droite n'a rien fait en cinq ans. Les autres élus de gauche, démocrates de gauche ou membres de Rifondazione comunista, le soutiennent, comme le représentant desVerts qui parle «d'une mesure d'urgence, nécessaire» même si «ce n'est pas beau à voir». Forza Italia, le parti de Berlusconi, propose de créer un centre de rétention provisoire pour enfermer clandestins et délinquants immigrés. Les protestations sont venues de militants antiracistes, d'altermondialistes, de syndicalistes, mais aussi d'un certain nombre d'habitants.

En effet, cette décision est désapprouvée par une partie des habitants voisins de la cité, par les nombreux immigrés locataires des immeubles en question et qui n'ont rien à voir avec des dealers, et même par un syndicat de policiers qui a manifesté publiquement sa désapprobation.

La municipalité de gauche dit avoir répondu à la demande mais elle l'a fait avec des moyens que ne récuserait pas la droite la plus bornée et qui sont d'ailleurs totalement inefficaces: les dealers continuent leur trafic un peu plus loin. Seuls les locataires ordinaires de la cité en souffriront: ils devaient déjà supporter une vie difficile, un environnement dégradé et violent; le maire leur rajoute des contrôles renforcés et un mur. Et voilà comment, faute d'être capable de changer les conditions sociales, une mairie dite de gauche finit par enfermer ses administrés dans des ghettos.

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