La France et le Liban18/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1985.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La France et le Liban

Le gouvernement français tente de jouer les médiateurs entre Israël et le Liban en vertu des « relations privilégiées » que la France a depuis longtemps entretenues avec ce pays. Mais elles sont privilégiées avant tout pour tes capitalistes français qui font leurs affaires dans ce pays, et les interventions diplomatiques françaises visent avant tout à protéger leurs intérêts présents et futurs.

Ces relations ont leur origine dans la domination que l'impérialisme français a exercée sur cette région du monde entre les deux guerres, même si la pénétration des capitaux français remontait au XIXe siècle, au travers de l'implantation de banques ou d'industries.

La domination directe de l'impérialisme français débuta en 1920, lorsque les vainqueurs de la Première Guerre mondiale se partagèrent les territoires contrôlés jusque-là par l'Empire ottoman. De nouveaux États aux frontières artificielles furent créés, dont la Syrie et le Liban qui passèrent sous mandat français. En 1926 le Liban, séparé artificiellement de la Syrie, fut doté d'une Constitution, mais cela ne changea rien au fait que le pays restait soumis à l'autorité d'un haut-commissaire. En 1936, devant l'agitation nationaliste qui s'étendait, la France décida de mettre fin à son mandat sur le Liban, mais les traités signés restèrent lettre morte.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le régime de Pétain s'installa en France après la défaite de juin 1940 et il signa l'armistice avec l'Allemagne. Cela ne changea rien à la domination française au Proche-Orient, où l'administration se rallia au régime pétainiste. Mais l'impérialisme anglais, qui combattait son rival allemand en Afrique et au Moyen-Orient et était présent dans la Palestine voisine, saisit l'occasion pour contester la mainmise de la France sur ses territoires. Pour s'allier la population arabe dans sa rivalité avec la France, les autorités anglaises prirent le parti des nationalistes, du moins verbalement. Les autorités françaises au Liban, qui entre-temps avaient rallié la « France libre » de De Gaulle, furent alors contraintes de reconnaître en 1943 l'indépendance du Liban. Mais ce n'est qu'en 1946, devant la montée du nationalisme arabe, que l'impérialisme français dut se résoudre à évacuer ses troupes de Syrie et du Liban.

Sous le mandat français, le Liban commença à drainer les capitaux arabes venant, entre autres, de l'exploitation du pétrole du Moyen-Orient et à jouer un rôle de place financière dont bénéficièrent les institutions bancaires et commerciales françaises installées à Beyrouth.

Le Liban, qui attirait depuis 1920 les capitaux des Arabes fortunés, devint après-guerre « la Suisse du Moyen-Orient ». Les établissements bancaires, financiers et d'assurance constituèrent le « noyau dur » de la présence économique française au Liban, suivi par l'implantation d'entreprises industrielles ou commerciales, qui y trouvaient un débouché pour leurs marchandises. L'enseignement en français, notamment les nombreux établissements scolaires catholiques, permettait de disposer d'un personnel et de cadres francophones pour les entreprises. Actuellement, près de la moitié de la population, principalement parmi la bourgeoisie et la petite bourgeoisie aisée, parle le français.

Après la proclamation de l'État d'Israël, des centaines de milliers de Palestiniens s'étaient réfugiés au Liban. Ils étaient organisés, armés, possédaient leurs milices, et leur combativité gagnait les classes pauvres de ce pays qui vivaient presque dans les mêmes conditions. Craignant que l'influence croissante des partis palestiniens et de la gauche libanaise ne remette en cause l'équilibre confessionnel, et en particulier le pouvoir de la bourgeoisie chrétienne maronite, cette dernière déclencha la guerre civile en 1975. Elle devait durer jusqu'en 1989.

Cette guerre put perturber les relations d'affaires entre la France et le Liban, mais elle les ne remit pas en cause. Après cette guerre commença une nouvelle période favorable aux capitaux français, au travers de la reconstruction du pays. « La France est le pays qui a remporté le plus grand nombre de grands contrats liés à la reconstruction (1,07 milliard d'euros depuis 1992) », se félicitait le Sénat dans un rapport de 2002. « La France », c'était Bouygues, qui a obtenu le marché pour la reconstruction du centre-ville de Beyrouth ; Bouygues encore, avec Vivendi Suez-Lyonnaise des Eaux, pour la remise en état du système de télécommunications et de l'eau, EDF pour l'électricité ; et bien d'autres...

Qui dit présence de capital français au Liban dit aussi visites régulières de politiciens dans le pays. Chirac était d'ailleurs un grand ami de Rafic Hariri, l'ex Premier ministre assassiné l'an dernier, qui avait fait fortune dans l'immobilier en Arabie saoudite et qui, paraît-il, aura apporté sa contribution financière aux campagnes électorales du président français.

Actuellement, la France est premier « partenaire économique » du Liban. Elle en est premier investisseur (hors pays arabes), au travers de grands groupes bancaires ou d'assurance (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, AXA, AGF...) ainsi que des groupes industriels tels que France Télécom, TotalFinaElf, Air Liquide, Alcatel, Lafarge, L'Oréal, Air

France, etc. Fin 2003, les investissements français au Liban s'élevaient à 451 millions d'euros, augmentation de 75 % par rapport à 1998.

Ce sont ces intérêts-là que cherche à défendre le gouvernement français dans ses manoeuvres diplomatiques.

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