Un an après le référendum sur la Constitution européenne : Les illusionnistes31/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1974.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un an après le référendum sur la Constitution européenne : Les illusionnistes

Lundi 29 mai 2006, anniversaire du référendum sur le projet de Constitution européenne et de son rejet, ceux qui avaient appelé à voter «oui» déplorent un vote qui serait responsable de l'enlisement de l'Europe. Ceux qui, à gauche, avaient appelé à voter «non» se félicitent, au contraire, du coup porté à la «dérive libérale de l'Europe», quand ils n'y voient pas, à l'instar de Marie-George Buffet, le lancement d'une «dynamique unitaire à gauche, rassemblée sur une volonté claire de rupture». Ce qui s'est passé le 29 mai 2005 ne mérite cependant ni cet excès d'honneur ni cet excès d'indignité.

La Constitution européenne a été rejetée, et c'est tant mieux! Elle n'aurait rien apporté de bon pour les travailleurs, comme elle n'aurait rien apporté aux peuples de la partie pauvre de l'Europe à qui elle aurait imposé, en plus de la dictature économique des trusts d'Europe occidentale, la dictature politique des pays les plus riches. Les électeurs des classes populaires avaient des raisons de se réjouir du désaveu infligé aussi bien à la majorité de la droite gouvernementale qu'au PS, dont la direction s'est retrouvée, une fois de plus, à la remorque de Chirac. Mais la joie s'arrêtait là.

Pour notre part nous avons dit, au lendemain du référendum, que ce désaveu n'allait pas changer en lui-même la situation sociale. Les licenciements et les fermetures d'entreprises allaient continuer tant que les possesseurs de capitaux ont des raisons de penser que c'est un moyen d'augmenter leurs profits. Le pouvoir d'achat des salariés allait continuer à baisser, et la précarité à s'aggraver.

C'était une évidence car la responsabilité des licenciements, des bas salaires et des multiples attaques contre les travailleurs n'incombait pas à une Constitution européenne qui n'existait pas, ni même aux institutions européennes, mais à la course au profit et à l'avidité du patronat bien français favorisé par tous les gouvernements. Et ce n'est pas le «non» au référendum qui pouvait arrêter la course au profit.

Les Chirac, Sarkozy ou Hollande, avant le référendum, nous présentaient l'Europe du projet de Constitution de Giscard comme une promesse de paix et de prospérité pour tous. Ils mentaient, bien sûr.

Mais ceux qui, à gauche, promettaient alors un «ébranlement», si le «non» l'emportait, et des changements majeurs pour les classes populaires, nous mentaient aussi. Ils sont responsables du désenchantement de ceux qui, un an après, ne peuvent que constater que la victoire du «non» n'a rien changé, si ce n'est le remplacement de Raffarin par Villepin. Comme avancée sociale, on fait mieux! La seule fois où le gouvernement a été obligé de reculer sur une mesure antiouvrière, ce n'est pas à cause de la victoire du «non» mais devant la mobilisation de la jeunesse scolaire contre le CPE.

Les faiseurs d'illusions à gauche expliquent aujourd'hui que, si rien n'a changé au lendemain du référendum, c'est la faute de Chirac qui ne respecte pas la volonté populaire. Quelle grande découverte! Leur obstination à se cramponner aujourd'hui encore à la fiction de la «dynamique du non» n'a d'autre raison d'être que de préparer les élections de 2007.

Mais le changement du rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement, d'un côté, et le monde du travail, de l'autre, ne viendra pas plus du résultat des élections de 2007 qu'il n'est venu du référendum de 2005. Tous ceux qui présentent les élections à venir comme une source d'espoir pour les travailleurs leur préparent de nouvelles désillusions.

Le changement ne peut se produire que par l'action collective, grèves et manifestations, de tous les travailleurs déterminés à imposer des objectifs qui, seuls, arrêteront la dégradation de leurs conditions d'existence. Pour mettre fin au chômage et à la précarité, il faut imposer que l'on prenne sur les profits patronaux gigantesques de quoi financer le maintien de tous les emplois existants et la création d'emplois nouveaux, en répartissant le travail entre tous. Il faut l'augmentation générale des salaires et des retraites.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 29 mai

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