Apprentissage : Découverte de l’exploitation et du chômage08/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1958.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Apprentissage : Découverte de l’exploitation et du chômage

«À 14 ans, on veut l'éducation, et pas l'exploitation!», criaient les enseignants dans les manifestations du 2 février. Ils protestaient contre la décision d'autoriser l'apprentissage dès 14 ans, que le gouvernement faisait voter à l'Assemblée nationale le soir même.

Villepin avait annoncé cette mesure après la flambée de violence dans les banlieues. Dès la prochaine rentrée scolaire, l'éviction précoce du système éducatif sera donc mise en place pour les élèves «confrontés à des difficultés qui les conduisent à n'entrevoir aucune perspective d'avenir au sein de notre société», comme dit le texte de loi.

En prenant cette mesure, le gouvernement s'appuie sur le fait bien réel qu'une petite partie des enfants des quartiers populaires ont accumulé un tel retard que l'école semble ne plus rien pouvoir leur apporter. Dès l'école primaire, puis au collège, il n'y a jamais eu d'enseignants en nombre suffisant pour les aider à surmonter leurs lacunes. Les années passant, ils renoncent donc à apprendre quoi que ce soit, suivent les cours épisodiquement, quand ils ne rejettent pas violemment l'école. Cette réalité est celle de tous les établissements scolaires de banlieue. Mais ce n'est pas un aboutissement normal ou fatal, contre lequel il n'y aurait rien à faire. La scolarité obligatoire fut portée de 13 à 16 ans en 1959, il y a près d'un demi-siècle. C'était alors considéré comme une avancée, et c'en était une. En revenant en arrière, le gouvernement considère que cette prolongation de la durée de l'enseignement obligatoire a été un échec. Mais l'échec de qui, sinon des gouvernements qui n'ont pas mis à la disposition de l'Éducation nationale les moyens nécessaires? Pire, ils les ont considérablement réduits.

En autorisant l'apprentissage dès 14 ans, le gouvernement ouvre la voie au désengagement de l'État dans l'éducation des enfants à partir de cet âge. Personne ne sera forcé de quitter le collège, nous dit-on. Mais la plupart de ceux qui sont en apprentissage à 16 ans s'y retrouvent, parce qu'il n'y a pas assez de places en lycée professionnel. D'après les nouvelles dispositions gouvernementales, les enfants passeront d'abord une année, de 14 à 15 ans, à tenter d'acquérir les connaissances qu'ils n'ont pas réussi à maîtriser jusque-là, en alternance avec des stages en entreprise. Après quoi, à 15 ans, ils signeront un contrat d'apprentissage et se retrouveront au travail dans une boulangerie, un salon de coiffure ou sur un chantier. Les stages de la première année seront rémunérés à un tarif qui n'est pas encore déterminé. Quant aux apprentis de 15 ans, on peut craindre qu'ils soient payés comme le sont actuellement ceux de 16 ans, soit à 25% du smic.

L'aubaine est plus que tentante pour les employeurs, et pourtant tout laisse à penser qu'une bonne partie des jeunes de banlieue resteront sur le carreau, ceux qui ont le plus de difficultés pour s'exprimer, ceux dont la tête ne revient pas aux patrons, ou dont les patrons pensent que cette tête les défavorisera vis-à-vis de leur clientèle. Les organisations patronales de l'artisanat et du commerce ont fait savoir que leurs membres n'avaient aucune envie d'hériter d'élèves rejetés des collèges. Et actuellement, même à 16 ans, la recherche d'une place en apprentissage est pour les jeunes de banlieue un véritable parcours du combattant, à l'issue duquel ils se retrouvent trop souvent sans rien. À cela s'ajoute le fait que 20% des contrats d'apprentissage sont rompus avant terme.

En définitive, ce sera donc l'exploitation ou le chômage, à un âge où pour l'avenir de ces jeunes il serait plus profitable qu'ils restent scolarisés. À condition qu'existent les moyens nécessaires à leur formation.

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