Pénurie de pétrole ou excès de mensonges ?24/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1934.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pénurie de pétrole ou excès de mensonges ?

Le prix du baril de pétrole s'envole et à en croire les commentateurs ce serait parce que la demande en pétrole exploserait -entre autres à cause des besoins de la Chine- alors que les capacités de production seraient limitées. Et on agite à nouveau le spectre de la pénurie de pétrole, la télévision n'hésitant pas à nous montrer des stations-service vides et des voitures tirées par des chevaux... comme si c'était notre avenir proche.

En fait chaque fois que les prix du pétrole grimpent on entend cette chanson, écrite en 1973 quand le premier choc pétrolier vit le prix du baril multiplié par quatre en quelques mois.

En 1973 de prétendus spécialistes, dont ceux du Club de Rome, annonçaient que les réserves en pétrole seraient épuisées en... 1982. Le même Club de Rome affirmait d'ailleurs que, la Terre ne disposant que de ressources limitées, il fallait viser la croissance zéro! D'autres experts plus optimistes envisageaient la pénurie pour trente ans après, soit en... 2003. On voit aujourd'hui ce qu'il faut penser de ces «prévisions». En 2005, d'autres experts, aussi sérieux sans doute, annoncent, pour les plus optimistes, des réserves pour une quarantaine d'années, alors que les pessimistes disent que, dès l'an prochain, la production de pétrole va commencer à baisser...

Il est évident que les ressources en pétrole ne sont pas inépuisables, mais si les experts se sont si manifestement trompés dans leurs prévisions d'il y a trente ans, on peut mettre en doute la pertinence de celles d'aujourd'hui.

L'industrie pétrolière a su trouver de nouvelles réserves et les exploiter, même dans les conditions difficiles de la mer du Nord ou du golfe du Mexique, au point que les réserves connues aujourd'hui sont estimées plus importantes que celles sur lesquelles on tablait il y a trente ans. Alors ce n'est sûrement pas la diminution de ces réserves qui explique la hausse du pétrole, mais la politique des trusts pétroliers, ceux qu'on appelait les sept Majors en 1973 et qui aujourd'hui, fusions obligent, ne sont plus que cinq dont TotalFinaElf, première entreprise française. Ce sont ces compagnies qui contrôlent le marché et dictent leur loi à tous les pays producteurs, y compris ceux de l'OPEP, qui n'a jamais été le cartel tout-puissant capable de prendre le monde occidental en «otage» que nous présente une certaine presse. Les chocs pétroliers ont été voulus, préparés et mis en scène par les compagnies pétrolières qui en ont profité. Non seulement en faisant des bénéfices colossaux grâce aux augmentations des prix à la pompe, mais aussi en rendant rentable l'exploitation de gisements dont les coûts de production étaient plus élevés. Et en effet, aujourd'hui, les Majors annoncent des profits colossaux en hausse de 26% pour BP, 18% pour Exxon-Mobil, 48% pour Shell et 23% pour Total!

À chaque augmentation du prix du pétrole, le recours au spectre de la pénurie a été accompagné d'une mise en condition sur la nécessité d'économiser l'énergie, et les États en ont profité pour augmenter les taxes sur l'essence.

En 1973, le gouvernement avait lancé l'Agence pour les économies d'énergie dont le slogan «En France on n'a pas de pétrole mais on a des idées» a fait le bonheur des humoristes. À grands coups de publicité on invitait les bons citoyens à faire la «chasse au gaspi», petit animal nuisible né de l'imagination des experts en communication. Et on nous expliquait qu'un bon citoyen était celui qui préférait les vêtements chauds au poële à mazout, la marche à pied à la voiture et pourquoi pas les allumettes au briquet à essence.

Aujourd'hui comme en 1973, les appels aux économies d'énergie ne sont là que pour camoufler l'appétit vorace des compagnies pétrolières. La véritable cause des hausses de prix est que, dans cette société capitaliste, on n'extrait pas le pétrole pour satisfaire les besoins de la population, mais bien pour le vendre et le vendre avec le maximum de bénéfices. Et le problème de l'heure n'est pas la pénurie de pétrole mais la course aux profits de trusts qui ne se soucient ni des populations, ni même des conséquences que leur avidité peut avoir pour l'ensemble de l'économie.

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