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Dans les entreprises
Industrie de la chaussure : On vend les marques...mais on jette les travailleurs
En moins de 24 heures, ce sont près de 550 travailleurs qui ont été jetés à la rue à Romans-sur-Isère, dans l'industrie de la chaussure de luxe. La société Stéphane Kélian a d'abord été mise en liquidation judiciaire le 22 août, avec ses 143 salariés, suivie par Charles Jourdan -432 salariés- qui a déposé le bilan. Les travailleurs de Kélian ont obtenu la seule assurance d'être payés en août et ceux de Charles Jourdan jusqu'au 15 septembre.
Les patrons du secteur expliquent la fermeture par un manque de compétitivité par rapport, entre autres, à l'industrie chinoise, invoquant des salaires qui seraient 33 fois plus élevés en France, des protections sociales et des coûts de licenciements qui seraient trop élevés. Et de se présenter comme les Petits Poucets de la chaussure française, face à un ogre chinois inondant le monde de ses chaussures à bas prix.
Mais il ne s'agit que de prétextes, car le patron français, le groupe Smalto, repreneur depuis 2002, n'en a pas moins fait des profits importants pendant des années. Et c'est lui qui, cyniquement, jette à la rue des travailleurs. Il n'est donc pas besoin d'aller en Chine pour trouver l'ogre dans cette affaire! C'est lui qui, une nuit de juillet dernier, a fait déménager de Romans dix mille paires de chaussures, transférées en Allemagne, pendant que huit mille autres, en cours de fabrication, partaient pour le Portugal. Et une salariée pouvait crier à l'audience: «Qui vous coûte si cher? Sûrement pas nous: on est payés au smic... on n'a pas été augmentés depuis dix ans!» La CGT de l'entreprise accuse Smalto d'avoir «récupéré l'immobilier et la marque avant de se débarrasser des salariés». Smalto reconnaît avoir vendu la marque Kélian à un investisseur étranger dont elle tait le nom, qui devrait continuer la production au Portugal, en Espagne ou en Inde... Preuve, s'il en était besoin, qu'il y a encore un marché pour les chaussures de luxe et des patrons prêts à y faire des profits.
Chez Charles Jourdan, ce sont les mêmes méthodes. Les syndicats dénoncent le dépeçage de l'entreprise au profit d'un fonds d'investissements luxembourgeois, Lux Diversity SA, propriétaire du groupe depuis 2003. Déjà en juin 2004, la fabrication des sacs à main avait été délocalisée et c'est sans doute ce qui va se produire avec les chaussures, qui pourraient être fabriquées ailleurs, par d'autres travailleurs, pour des salaires de misère.
À la sortie du tribunal de commerce, les travailleurs de Kélian ont poursuivi leur patron aux cris de: «Vous êtes un voyou, un bandit.» C'est effectivement le genre de qualificatifs que méritent ces financiers pour qui seuls comptent les bilans en hausse à montrer à leurs actionnaires, quitte à jeter à la rue des centaines de travailleurs.