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Leur société
Catastrophes aériennes : Compassion hypocrite et loi du profit
Après la catastrophe aérienne du Venezuela, dans laquelle ont péri 152 vacanciers martiniquais et les huit membres de l'équipage colombiens, on a vu les ministres se multiplier devant les caméras pour dire leur compassion. Chirac lui-même a mis un terme à ses vacances pour participer à une «cérémonie d'hommage national» aux victimes. Mais cela ne fait que répéter ce qu'on a vu en janvier 2004, lorsqu'un avion charter s'était abîmé en mer Rouge, au large de Charmel-Cheikh. La promesse avait été faite par le gouvernement, à l'époque, de se pencher sur la question de la sécurité du transport aérien. Elle a été bien oubliée ensuite, comme l'ont dénoncé les parents des victimes.
L'avion, qui s'est écrasé après que ses deux réacteurs sont tombés en panne, était loué par une compagnie colombienne, West Caribbean, déjà bien connue, semble-t-il, pour ses infractions aux règles de sécurité. Elle n'effectuait pas les contrôles exigés, ne payait pas ses pilotes depuis plusieurs mois et leur imposait des heures supplémentaires au-delà de la limite légale. Elle avait d'ailleurs payé plusieurs amendes cette année pour cela. L'avion avait été «vérifié» 35 fois par les autorités colombiennes depuis le début de l'année, mais cela n'avait entraîné aucune décision d'immobilisation de l'appareil, alors que les passagers eux-mêmes étaient témoins de problèmes graves.
La série de catastrophes meurtrières de cet été, à laquelle s'est encore ajouté l'accident d'un avion péruvien survenu le 23août, met en lumière certaines réalités du transport aérien aujourd'hui. Bien sûr, on peut mettre en cause la corruption qui règne en Colombie dans la catastrophe récente, et les bonnes relations du principal actionnaire de la compagnie, une société de Medellin, avec les hautes sphères du gouvernement et de l'armée, à qui elle loue des services d'héliportage. Mais l'avion colombien avait aussi été inspecté deux fois en mai et en juillet par les autorités françaises en Martinique, sans qu'il soit pour autant immobilisé. Car les contrôles réalisés dans un pays sur les avions étrangers de passage sont sommaires, les États étant censés avoir la responsabilité de la sécurité des avions immatriculés chez eux. Mais, même au cas où des manquements à la sécurité sont détectés, la décision d'immobiliser ou de retarder un avion n'est pas souvent prise, face aux pressions pour la rentabilité. Aujourd'hui, 70% de l'achat des places fait par les agences de tourisme françaises est réalisé sur des avions étrangers, souvent basés dans des pays où les normes de sécurité sont réduites au minimum fixé par l'Organisation de l'aviation civile internationale, plus bas que celui qui existe en Europe ou aux États-Unis. Le problème de la sécurité aérienne est avant tout posé par la course aux profits et la pression des groupes financiers qui font tout pour réduire leurs coûts, aux dépens, si besoin, de la sécurité. Autant de pressions auxquelles les différents gouvernements cèdent, tout simplement.