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Brésil : Pendant les scandales, les profits continuent
Le ministre brésilien de l'Économie, Antonio Palocci, vient d'être atteint par la vague de scandales politico-financiers qui touche, les uns après les autres, les dirigeants du Parti des Travailleurs (PT) et des autres partis gouvernementaux.
Un de ses anciens collaborateurs l'accuse d'avoir encaissé au profit du PT des pots-de-vin d'une entreprise de ramassage d'ordures, lorsqu'il était maire de Ribeirao Preto, une ville de 300000 habitants dans l'État de Sao Paulo.
Ce n'est que le dernier épisode d'un feuilleton qui depuis trois mois fait la Une de l'actualité. Les séquences spectaculaires ont été nombreuses: une vidéo où l'ont voit des liasses de billets changer de mains; les aveux publics d'accusés qui dénoncent leurs complices réels ou supposés; une liste de députés qui touchaient du PT une «mensualité» équivalant à 10000 dollars pour «bien voter»; un évêque-député interpellé en possession de sept valises de billets représentant 3,3 millions de dollars, et disant qu'il transportait le denier du culte; jusqu'à un responsable provincial du PT arrêté à l'aéroport avec 100000 dollars, en bons billets verts, cachés dans son slip. Au total, le chiffre d'affaires de ce système d'achat de députés et de partis aurait atteint un milliard de dollars
Sous l'avalanche de dénonciations, nombre de dirigeants, de cadres et de permanents du PT ont dû démissionner, en particulier le chef de cabinet de Lula, José Dirceu, et le président du parti, José Genoino. Lula a dû nommer de nouveaux ministres, le PT choisir une nouvelle direction.
Palocci, lui, se défend comme un beau diable et dit qu'il ne démissionnera pas. Il est vrai que, de toute façon, cette affaire de pots-de-vin est ancienne, antérieure à la venue au pouvoir de Lula et du PT, et concerne des sommes ridicules à côté de tout le reste. C'est pourtant en gérant des municipalités que le PT a gagné une image de parti réaliste, qui réserve pour la propagande le slogan selon lequel «le PT ne vole pas et ne laisse pas voler». Contrôlant dans de grandes villes les marchés millionnaires de l'eau, du nettoyage, des ordures, de l'entretien des rues, des écoles, des centres de santé, etc., les dirigeants pétistes ont appris à ramasser la monnaie, bien utile pour entretenir un appareil politique et financer des campagnes électorales. Et quand ils sont arrivés au gouvernement fédéral, ils ont accédé aux postes lucratifs des administrations et des entreprises d'État et ont récolté les aides intéressées des grandes entreprises, des banques ou des fonds de pension.
Palocci n'a peut-être pas touché de pots-de-vin pour lui-même. Il ne retire peut-être aucun bénéfice personnel de la politique économique qu'il mène depuis deux ans et demi, toute au service des banquiers, des exportateurs, des détenteurs de la dette publique. Mais c'est justement là le plus gros scandale: l'exploitation de toute la population laborieuse par une minorité de bourgeois, sous la présidence de l'ex-métallo Lula comme sous ses prédécesseurs.
Car toute la bourgeoisie, brésilienne et internationale, se réjouit des excellents résultats de l'économie sous la direction de Lula et de Palocci. 2004 a été pour les 500 plus grandes entreprises du pays la meilleure année de la décennie. Les profits des banques ont augmenté de 18,4%. La banque Itau a battu tous les records en engrangeant l'équivalent de 1,3 milliard de dollars. Les exportations explosent, en particulier les exportations agricoles. Dans la semaine du 4 au 10 juillet, l'excédent commercial a battu un record, avec 1,3 milliard de dollars. Devant ces succès, Delfim Neto, député de droite et ancien ministre de la dictature, propose au gouvernement un plan pour réduire les impôts des grandes entreprises et diminuer encore les dépenses sociales du gouvernement: sécurité sociale, santé, salaires des fonctionnaires, aides aux chômeurs, etc.
Ces succès reposent en effet sur la misère des classes populaires. La pauvreté, le chômage, la faim, le manque de terres n'ont pas diminué, car Lula n'a tenu aucune des promesses faites aux ouvriers et aux paysans. Mais les militants du PT, les syndicalistes, les animateurs des mouvements sociaux sont chargés de contenir le mécontentement populaire, d'expliquer que Lula n'a pas le pouvoir économique et qu'il fait le maximum en faveur du petit peuple, qu'il faut l'aider, vaincre d'abord soi-même le pouvoir des riches et alors on verra comme Lula sera content. Pour contrer les luttes salariales et la résistance aux «réformes», c'est même le président de la Centrale Unique des Travailleurs, le principal syndicat, qui le 8 juillet a été nommé ministre du Travail. Car des grèves de fonctionnaires ont secoué le pays pendant les mois de juin et de juillet.
L'appareil du PT et ses relais dans la population affirment, contre toute évidence, que la corruption au PT est tout à fait marginale, Lula ayant d'ailleurs présenté des excuses publiques pour ces quelques dérapages, et que les scandales sont un coup monté de la droite, un véritable coup d'État pour déconsidérer Lula et lui faire perdre les élections présidentielles de fin 2006. Ce qui est sûr, c'est que le faux homme de gauche Lula et son parti ont succédé à la droite et à Cardoso, dont ils ont poursuivi et aggravé la politique antipopulaire. Ils ont repris aussi leurs pratiques de corruption, et cela se voit aujourd'hui. Et un des pires effets de cette politique, c'est que le discrédit du PT risque de démoraliser les travailleurs en les amenant à penser que rien n'est possible pour améliorer leur sort.