Toray - Saint-Maurice-de-Beynost (Ain) : Grève victorieuse contre GSF21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Toray - Saint-Maurice-de-Beynost (Ain) : Grève victorieuse contre GSF

Après 23 jours de grève, les salariés de l'emballage et expédition de l'usine Toray de Saint-Maurice-de-Beynost, dans l'Ain, ont fait plier la direction et gagné sur presque toutes les revendications. La grève avait démarré le 22 septembre contre leur nouvel employeur sous-traitant, qui voulait appliquer les méthodes du nettoyage et imposer la polyvalence généralisée.

Dès le début, GSF, avec la complicité de Toray, a voulu casser la grève en appelant des dizaines d'agents du nettoyage pour remplacer les grévistes (cf.LO n° 1887).

Dans les faits, le résultat était catastrophique pour la production: bobines choquées, retards de commandes, erreurs d'étiquettes. Mais les deux patrons ont préféré perdre de l'argent, comptant briser le moral des grévistes. Ceux-ci s'étaient installés sur le parking de l'usine et multipliaient les actions pour faire connaître leur mouvement. Ils se sont régulièrement adressés aux salariés de Toray avec qui ils travaillent tous les jours (nuit et week-end compris).

Au dixième jour, Toray décidait de suspendre le contrat de sous-traitance sur deux ateliers et de prendre des intérimaires à son propre compte pour "éviter le chômage technique". La sympathie rencontrée par le mouvement auprès des salariés de Toray s'est alors transformée en soutien car tous comprenaient la complicité évidente de Toray qui n'hésitait pas à faire du chantage au chômage technique.

Le mardi 5 octobre a été un premier tournant dans la grève. Pendant que les grévistes allaient manifester à Bourg-en-Bresse devant la direction du travail qui ne voulait manifestement pas sanctionner les patrons briseurs de grève, des débrayages de soutien avaient lieu sur trois équipes de Toray. Ces débrayages ont continué sporadiquement les jours suivants.

Du coup, le lendemain, GSF acceptait de négocier et plusieurs revendications ont été obtenues. Par contre rien ou presque sur les salaires: 10euros par mois, soit même pas un euro par jour de grève. Les grévistes votaient la poursuite.

Le lendemain soir, le grand patron de GSF remettait tout en cause et voulut parler directement aux grévistes sur le parking, qui était quelque peu sombre à cette heure-là! On ne répétera pas ici les mots qu'il a entendus, surtout quand il a déclaré qu'il tenait à récompenser les non-grévistes et n'avait plus d'argent pour les salaires! Il est reparti sous les huées sans trouver la sortie du parking.

Durant le week-end suivant, la direction de Toray, sans doute inquiète de la venue programmée d'un haut responsable japonais, tentait de rédiger elle-même un projet d'accord. Mais c'était évidemment sans rien rajouter dans la corbeille. Les grévistes ont refusé et ont reformulé leurs revendications: 40 euros par mois en plus de la nouvelle grille salariale. Ils décidaient de multiplier les actions dès le lundi 11 octobre en allant manifester à Bourg-en-Bresse devant la préfecture, l'inspection du travail et dans les rues en distribuant leur tract "Résister pour exister" et aux cris de "Ras-le-bol des patrons voyous". Le lendemain, c'était au tour des conseillers généraux locaux d'entendre la révolte des grévistes contre les pouvoirs publics muets face à une entrave manifeste au droit de grève

Le mercredi 13, en réaction à l'arrivée d'une nouvelle vague d'intérimaires, les grévistes décidaient de s'installer carrément devant les fenêtres de Toray avec une pile de pneus mis bien en évidence!

Le message était clair: la détermination était intacte. Dès l'après-midi, GSF convoquait les délégués et le soir, elle lâchait les 40 euros et signait l'accord final.

Au retour des délégués, ce fut une explosion de joie ainsi qu'à l'annonce de chaque paragraphe de l'accord. Salaire augmenté de 40 à 120 euros par mois selon les cas, remise en cause de la polyvalence, abandon du travail à la carte, présence d'une secrétaire au moment de la paie, confirmation de l'affiliation à la CCN transport et paiement de la moitié des jours de grève. Bref, une défaite sans appel pour les patrons.

Cette grève a apporté beaucoup d'enseignements. Toray a de l'argent pour supporter trois semaines de retard de commandes et en a donc pour augmenter les salaires. Face à la complicité des patrons, les grévistes ont su trouver la solidarité des autres salariés du site et ces liens sont prometteurs pour l'avenir. Et surtout cette grève est une démonstration de dignité et montre à tous que bien des choses sont possibles quand des travailleurs sont déterminés.

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