Haïti : Les bandes armées font toujours la loi11/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : Les bandes armées font toujours la loi

Tandis que, depuis son exil de Centrafrique, Aristide continue à se prétendre le représentant légitime d'Haïti et à dénoncer son "enlèvement" par un commando américain, la population haïtienne continue à subir, comme par le passé, la dictature des bandes armées.

Avec la complicité de Chirac, Bush vient d'illustrer ce qu'il entend lorsqu'il prétend exporter son modèle de "démocratie". Lorsqu'il a estimé qu'il devenait un obstacle, il a fait partir de force Aristide, dont la réélection contestée avait pourtant reçu l'aval des grandes puissances. L'intervention militaire des troupes américaines et françaises a abouti à changer le gouvernement, ou plus exactement les hommes qui en tiennent lieu sans pour autant avoir de pouvoir réel. Les États-Unis s'emploient aujourd'hui à protéger Boniface Alexandre, une marionnette promue président par intérim, en attendant de lui trouver un remplaçant qui n'aura pas plus de légitimité.

En attendant, dans le pays, la situation n'a pas évolué, sinon en pire pour les masses populaires. Le pays reste en proie à une effroyable misère et les grandes puissances ne donnent même pas un semblant d'apparence humanitaire à leur intervention. L'aide internationale n'arrive toujours qu'au compte-gouttes et sa distribution est loin de toucher les populations qui en auraient le plus besoin. Quant à l'activité économique, elle est pratiquement arrêtée. Les pillages d'entrepôts, de magasins et de banques, l'incendie de plusieurs stations d'essence et l'insécurité dans les rues rendent encore plus difficile la vie quotidienne des habitants, qui ne peuvent même plus se procurer les produits de première nécessité. Quant aux usines de la zone industrielle de Port-au-Prince, pillées par les bandes armées, elles ne pourront plus fournir de travail pour les mois à venir, privant ainsi des milliers d'ouvriers de leur maigre salaire.

Enfin, qu'elles soient partisanes d'Aristide ou rebelles, les bandes armées continuent à imposer leur loi. Ainsi, dimanche 7 mars, à Port-au-Prince où l'opposition réunie autour de la Plate-forme démocratique avait appelé à une manifestation, les chimères, ces bandes armées qui étaient au service de l'ex-président Aristide, ont ouvert le feu sur la foule à proximité du quartier de Bel Air, quartier réputé pour abriter des partisans armés du président déchu, faisant au moins six morts et une trentaine de blessés. Les soldats américains et français, qui étaient pourtant censés aider la police haïtienne à encadrer les manifestants et les protéger, avaient disparu à ce moment. De même, les quartiers pauvres et les bidonvilles restent soumis à la dictature des chimères, mais aujourd'hui ils subissent en plus la violence des autres gangs qui, sous prétexte de lutter pour le désarmement des partisans d'Aristide, ont déjà fait de nombreuses victimes.

Les forces américaines et françaises d'intervention prétendent agir pour stabiliser la situation. En fait, leur souci est de mettre en place une apparence de gouvernement qui soit à leur botte, même si celui-ci n'est qu'une façade à l'usage de l'opinion et des institutions internationales. En réalité, sur le terrain, ce ne sont que quelques bandes armées de plus, des armées d'occupation qui protègent le palais présidentiel, quelques bâtiments officiels et les quartiers les plus résidentiels. Dans les villes et les quartiers pauvres, dans les campagnes, les classes pauvres haïtiennes restent livrées à leur triste sort, otages des bandes armées qui se disputent le pays.

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