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Quand Seillière se penche sur l’école
Seillière, le président du Medef, se lance dans une campagne intitulée L'entreprise voit jeunes dans les 165 villes du pays où il est présent. Ce n'est pas l'épanouissement des jeunes et leur ouverture sur le monde qui guident sa volonté de «resserrer» les liens entre l'entreprise et l'école. Le patronat s'intéresse à celle-ci pour la mettre au service de ses intérêts. Il souhaite une main-d'oeuvre adaptée à ses intérêts immédiats, et profite de certaines formations en alternance pour bénéficier d'une main-d'oeuvre à bon marché.
Les patrons souhaiteraient que les formations, dans les lycées professionnels entre autres, se fassent plus encore qu'actuellement en fonction des besoins des entreprises. Ainsi dans l'Aisne, l'entreprise MBK qui fabrique des scooters vient de convoquer des enseignants afin de leur faire connaître les formations qui lui sont nécessaires. Les enseignants sont repartis avec une valisette contenant la documentation pouvant leur permettre de se faire les promoteurs des besoins de l'industrie!
La transformation des lycées professionnels en «lycées de métiers» est en cours, du moins là où enseignants et parents ne s'y opposent pas. Il ne s'agit pas que d'un changement de dénomination. Le «label» lycée des métiers renforce la possibilité -qui existait déjà malgré tout- pour le patronat local d'avoir son mot à dire sur ce qui se fait au sein du lycée, en échange parfois de divers financements. Il peut aussi profiter des locaux ou du matériel de l'établissement scolaire. A Montdidier, dans la Somme, c'est au sein même d'un lycée professionnel que la Chambre de commerce a installé un centre d'apprentissage, disposant pour cela d'une aide du Conseil régional.
Les patrons ont besoin d'une main-d'oeuvre formée pour les besoins du «marché», peu leur importe que les élèves aient une ouverture d'esprit, une culture. Peu leur importe également que ces jeunes qui acquièrent ainsi une formation très spécifique aient des difficultés plus tard, une fois licenciés par exemple, à trouver du travail ailleurs, à se «reconvertir». Ce sont quelques-unes des raisons qui font bondir certains enseignants et parents, qui craignent à juste titre que les formations proposées aux élèves contiennent de moins en moins d'enseignement général.
Le patronat développe toute une propagande basée sur le fait que des jeunes dont la formation correspondrait aux besoins exacts des entreprises seraient automatiquement embauchés... ou auraient en tout cas plus de chance de trouver un emploi.
Bien des jeunes mordent à l'hameçon. Ainsi, dans un lycée professionnel du Val-de-Marne, une classe devait être mise en place pour une formation spécifique à l'entreprise Suzuki, préparant à être chef d'équipe. Mais, si la filière était créée, combien de jeunes seraient embauchés au bout du compte? Et que deviendraient les autres avec une formation «Suzuki» en poche? Dans certaines entreprises, des jeunes signent même des contrats en alternance qui précisent d'emblée qu'ils ne seront pas embauchés à la fin. Une entreprise comme L'Oréal qui a 2,5% de son effectif en apprentissage, à tout niveau de qualification, en embauche un tiers seulement à la fin de la période d'apprentissage.
Bien des jeunes se laissent abuser par la propagande patronale, croyant trouver plus facilement un emploi et risquant de graves désillusions. Mais ces formations en apprentissage, ou en alternance, sont également souhaitées par des jeunes parce qu'ils veulent rentrer plus vite dans la vie active et qu'ils n'accrochent pas à d'autres formations «générales».
La société devrait pouvoir leur offrir la possibilité d'acquérir la formation pratique qui leur plaît, mais en leur proposant aussi un enseignement complet qui leur permette de changer de métier un jour, et surtout d'acquérir l'ouverture sur le monde nécessaire à leur épanouissement. Les Seillière, et autres patrons, eux, ne souhaitent surtout pas que l'école puisse donner aux jeunes des armes intellectuelles pour se défendre contre l'exploitation.