Le nouveau projet de loi du ministre de la Justice : Pour une société de plus en plus injuste03/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1844.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le nouveau projet de loi du ministre de la Justice : Pour une société de plus en plus injuste

Les députés de droite de l'UMP ont été les seuls à approuver en deuxième lecture le projet de loi du ministre de la Justice Dominique Perben. Le Sénat devrait faire de même en janvier prochain. Pour le ministre de la Justice de Chirac et de Raffarin cette loi ambitionne «d'adapter la justice à la criminalité». Elle est aussi censée satisfaire les promesses du candidat Chirac à l'électorat réactionnaire.

La lutte contre l'insécurité étant la priorité de ce quinquennat, Sarkozy avait ouvert la voie avec sa loi dite de «sécurité intérieure», applicable depuis le 29 novembre. Cette nouvelle loi s'inscrit dans sa continuité. Perben a vu grand. Non seulement il prétend s'attaquer à la grande criminalité, au grand banditisme, au vol, à l'aide au séjour irrégulier sur le territoire national d'étrangers et aux meurtres commis en bande organisée. Mais il entend également résoudre à peu près tout: les pollutions des rivages et des fonds marins, les incendies de forêt, les injures et les incitations à la haine raciale, la récidive des délinquants sexuels violeurs et exhibitionnistes, et même régir la criminalité dans le domaine de l'«interruption involontaire de grossesse».

Cette nouvelle loi va légaliser des pratiques bien connues: on autorise désormais les policiers à poser des micros et des caméras dans des lieux privés, à infiltrer des groupes mafieux ou à rémunérer un indicateur. Le temps de garde à vue pourra être doublé et passer à 96 heures au lieu de 48 actuellement. Cela pourra concerner désormais des mineurs de plus de 16 ans impliqués dans un trafic de stupéfiants. Une personne en attente de comparution devant un magistrat pourra être maintenue «au dépôt» jusqu'à 20 heures après l'expiration du temps légal de garde à vue. Pour une simple enquête préliminaire, le juge des libertés pourra décider une perquisition nocturne et le procureur requérir une mise en détention.

Ces mesures sont censées augmenter le rendement en matière de répression, celui dont Sarkozy se flattait tout récemment dans une émission télévisée. Le bilan de ce qu'il est coutume d'appeler les «bavures policières» pourrait bien lui aussi être en augmentation. Trop souvent des policiers contournent ou transgressent la loi, assurés que leur hiérarchie ou le gouvernement fermeront les yeux. Avec ce nouveau renforcement de l'appareil répressif, c'est un feu vert qui est donné aux interventions arbitraires.

Et ceux qui en seront les principales victimes seront moins les délinquants que le gouvernement prétend ainsi frapper que ceux qui, dans la population, sont parmi les plus faibles et les plus démunis: les sans-papiers, les sans-abri, les personnes en situation précaire, les jeunes des quartiers défavorisés, les petits délinquants occasionnels. En leur ouvrant plus vite les portes des prisons, ces mesures auront pour effet pervers d'augmenter le recrutement de délinquants chevronnés!

Si ce gouvernement voulait s'attaquer sérieusement à la délinquance, il lui faudrait mener une tout autre politique que celle qu'il mène sur le terrain social, qui a pour conséquence de démanteler les services publics et de détériorer la vie des quartiers les plus pauvres. Mais sa préoccupation reste avant tout politicienne: il s'agit de flatter les préjugés des électeurs les plus réactionnaires. Et, pour le reste, c'est après eux le déluge.

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