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Leur société
« Interruption involontaire de grossesse » : La voix des intégristes catholiques
Mettant à profit le vote de la loi Perben sur la criminalité, le député UMP de Gironde Jean-Paul Garraud a fait adopter en catimini par l'Assemblée un amendement créant le délit «d'interruption involontaire de grossesse». Il se défend de vouloir remettre en cause le droit à l'IVG (interruption volontaire de grossesse), qui avait vu le jour grâce à la lutte opiniâtre d'un certain nombre de femmes. Il s'agirait uniquement, dit-il avec une bonne dose de jésuitisme, de permettre la condamnation de chauffards ayant causé la mort d'un enfant à naître ou de médecins responsables d'un tel décès à la suite d'une erreur médicale. Mais c'est l'IVG qui est visée. Les associations défendant les droits des femmes ne s'y sont pas trompées.
Le ministre de la Justice Dominique Perben, qui dans un premier temps avait justifié cet amendement, dit aujourd'hui qu'il fera modifier le texte lors de son passage au Sénat afin d'aboutir à une rédaction «dépourvue de toute ambiguïté» sur le droit à l'avortement. Il n'en reste pas moins que ce texte a été voté une première fois, traduisant la mentalité réactionnaire et rétrograde qui anime la droite et la frange d'opinion qui la soutient.
L'amendement est en effet largement soutenu, si ce n'est inspiré, par des milieux catholiques qui militent ouvertement contre le droit à l'avortement; pas seulement les petits noyaux intégristes, mais la hiérarchie jusqu'à son niveau suprême en la personne du pape. Un groupe de professeurs de droit catholiques anime activement la bataille juridique, utilisant tout ce qui peut apporter de l'eau à leur moulin. L'une des égéries du clan anti-avortement, Christine Boutin, s'est réjouie de ce que «le droit de l'enfant à naître soit reconnu». Quant au mouvement «Laissez-les vivre», il a déclaré que l'amendement constituait «une brèche, au moins psychologique, dans la culture de la mort».
Les opposants au droit à l'avortement se justifient en expliquant que l'enfant à naître est vivant dès sa conception et que l'avortement est donc un crime. C'est au nom de ces arguments définis et imposés par les différentes religions que des lois répressives ont existé dans de nombreux pays, et existent encore ne serait-ce qu'en Irlande ou en Pologne. En France, en 1943, une femme fut guillotinée, en vertu d'une loi spéciale de Vichy, pour avoir pratiqué des avortements. Il fallut attendre 1967 pour qu'une loi soit proposée, autorisant la contraception. Et ce n'est qu'en 1975 que la loi Veil qui autorisait l'interruption de grossesse fut votée, pour cinq ans, ne devenant donc définitive qu'en 1979.
Et pourtant, aujourd'hui encore, des nostalgiques se font entendre, comme cette association d'extrême droite «SOS tout-petits» qui, au moment du vote de l'amendement, manifestait aux abords du siège du Planning familial, aux cris de «Planning familial, la révolution et le meurtre».
Si le ministre de la Justice a pris, après coup, des distances avec l'amendement Garraud et promet une nouvelle rédaction, la réaction des femmes, et aussi celle du corps médical auquel ce texte fait courir le risque de condamnations pénales, n'y sont pas pour rien. Mais rien ne garantit que la nouvelle formulation ne se traduise pas de nouveau par un recul du droit des femmes.