Fonctionnaires : Salaires gelés03/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1844.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fonctionnaires : Salaires gelés

Le 27 novembre, le ministre de la Fonction publique Jean-Paul Delevoye a annoncé la couleur: il n'y aura pas d'augmentation de salaires en 2003 pour les 5,2 millions de travailleurs de la Fonction publique. Pour 2004, seule une hausse dérisoire de 0,5% du point d'indice (qui sert de base au calcul des salaires) est prévue en janvier prochain.

Cela fait plusieurs années que les différents gouvernements, de gauche comme de droite, pratiquent une politique de rigueur salariale dans la Fonction publique et montrent du doigt les fonctionnaires, accusés d'être des privilégiés qui n'auraient pas besoin d'être augmentés. Le gouvernement Raffarin vient de franchir un pas de plus dans cette voie.

Pour justifier cette nouvelle cure d'austérité, le ministre n'est pas à une contrevérité près. À l'entendre, le gouvernement ne peut «donner ce qu'il n'a pas» et ne peut «augmenter les salaires» en dehors du «contexte économique», etc. Autrement dit: fonctionnaires, serrez-vous la ceinture encore un peu plus, le gouvernement a d'autres chats à fouetter que de vous augmenter! Il ne peut en effet financer la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire pour y défendre les intérêts des patrons français, offrir des subventions au patronat, augmenter le salaire des députés de 70%, et en même temps augmenter ses fonctionnaires.

Pour faire avaler la pilule, le ministre ne recule devant rien, même pas le pire des mensonges: il a en substance affirmé que les salaires des fonctionnaires avaient augmenté de 4% en moyenne grâce à l'ancienneté et aux promotions, flattant ainsi au passage les préjugés anti-fonctionnaires qui ont cours dans une bonne partie de la population.

En fait, le chiffre du ministre est biaisé car il ne tient pas compte des agents de l'administration territoriale et hospitalière, qui forment les plus gros bataillons de la Fonction publique et qui touchent les plus bas salaires.

Gouvernements et ministres prennent comme seule référence la seule Fonction publique de l'État, où les cadres représentent (notamment en raison du nombre d'enseignants) 48% des salariés, contre 12% dans le secteur privé. Or, des enseignants, il y en a environ 900000 sur un total de plus de cinq millions de fonctionnaires! Et comme par hasard, Delevoye refuse de prendre comme référence l'ensemble de la Fonction publique (État, collectivités territoriales, santé), dont le salaire moyen annuel est inférieur à celui du secteur privé. Il oublie que le salaire «minimum fonction publique» est actuellement à 1133 euros brut à l'indice 262 au 1er décembre 2002, tandis que le Smic brut s'élève à 1154 euros!

Les voilà donc les «fameux privilégiés» selon le ministère: ces centaines de milliers, ces millions de travailleurs et de travailleuses du public, que les ministres et les hauts fonctionnaires appellent en général «le petit personnel» et qui, de l'huissier à l'agent hospitalier, de la femme de ménage à l'ouvrier d'entretien, de l'agent d'accueil à la secrétaire administrative, exercent un travail utile à la collectivité et gagnent pour la plupart tout juste le salaire minimum, ou à peine plus. Ils n'ont pas eu d'augmentation depuis des années (à part une minime revalorisation de 1,3% en 2002) et on leur annonce une nouvelle période de vaches maigres pour les deux ans à venir!

Enfin, laisser croire que les enseignants seraient en quelque sorte des «privilégiés» parmi les «privilégiés», puisque les promotions et l'ancienneté seraient plus rémunératrices que les augmentations de salaires, est tout simplement indigne. Certains enseignants gagnent correctement leur vie, mais c'est après quarante ans de travail dans des conditions de plus en plus difficiles, et surtout ils sont bien loin de faire une paye de ministre ou de député! Tout cela compense bien mal la baisse du pouvoir d'achat lié à l'inflation et qui s'accroît d'année en année: 4% de baisse pour les fonctionnaires sur les deux dernières années, selon les organisations syndicales.

Avec ce blocage des salaires, le gouvernement Chirac-Raffarin s'en prend une nouvelle fois aux travailleurs du public, mais veut surtout montrer le chemin à suivre pour le patronat du privé. Raison de plus pour que les travailleurs du public et du privé revendiquent ensemble l'augmentation générale des salaires.

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