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Assistance publique – Hôpitaux : Des économies plus dangereuses que la grippe et la bronchiolite
Vendredi 28 novembre, il a fallu déclencher le «plan blanc» pour les départements du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine ainsi que pour plusieurs hôpitaux de Paris. Les urgences pédiatriques étaient débordées. Les habituelles épidémies de grippe, bronchiolite et gastro-entérite avaient envoyé un millier d'enfants de plus dans les hôpitaux parisiens. Dans les journaux et à la télévision, on ne voyait que bébés et jeunes enfants hospitalisés, certains transférés en Picardie ou en Bourgogne, parents affolés, infirmières surchargées. Le ministre de la Santé, Mattei, assurait que tout allait bien, conseillant tout de même aux parents de ne pas se précipiter aux urgences ou à l'hôpital, mais de consulter d'abord leur médecin de famille.
Le plan est donc entré en action. Les services d'urgence ont été renforcés, en empruntant des lits et du personnel à d'autres services. Certaines interventions chirurgicales ont été reportées, puisque le personnel était utilisé ailleurs. Du personnel hospitalier en congé ou en vacances a été rappelé, en particulier des infirmières. Tout cela pour une épidémie qu'on nous dit bénigne, qui est courante à cette saison de l'année et qui n'a pas une ampleur inhabituelle.
Un scandale permanent
Cela n'est qu'un témoignage de plus de ce scandale permanent qu'est le manque de personnel et de moyens dans les hôpitaux. A l'hôpital Beaujon, en banlieue parisienne, on voit des étages de quatre salles tenus par trois infirmières seulement; à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, le recours aux intérimaires atteint des chiffres record. Partout, le matériel est au plus juste; les ruptures de stocks se multiplient. Quant aux délais nécessaires pour obtenir une consultation ou un examen, ils s'allongent sans arrêt. Sans aucun doute possible, les moyens alloués à la santé sont scandaleusement insuffisants.
Et pourtant, imperturbable, la directrice générale de l'Assistance publique a déclaré: «Nous restons vigilants, mais nous n'avons pas d'inquiétudes particulières.» Mattei ne s'exprimait pas autrement, cet été, lorsqu'il s'employait à dissimuler l'ampleur des dégâts liés à la canicule.
Trois mois et demi seulement se sont écoulés depuis cette catastrophe qui a provoqué la mort de 15000 personnes. Des dizaines sont décédées dans les couloirs des urgences complètement engorgées. Par mesure d'économies, tant de lits avaient été fermés qu'il était impossible d'hospitaliser tous ceux qui en avaient besoin.
A l'époque déjà, des médecins avaient averti que cet état de crise risquait de se reproduire à la prochaine épidémie. A la lumière des derniers jours, il est à craindre qu'ils aient vu juste; et en tout cas, si le pire est évité, ce ne sera pas grâce à la politique de l'administration et du ministère.
Un budget qui persiste et signe
Le plan qui a été présenté vendredi 28 novembre au conseil d'administration de l'Assistance publique par la directrice générale n'a rien d'un plan d'urgence attribuant des ressources pour l'embauche et la formation de personnel. C'est au contraire un plan d'économies que le journal La Tribune, peu suspect d'être contestataire, qualifie lui-même de «drastique «.
Il s'agit pour l'Assistance publique d'économiser 240 millions d'euros en quatre ans, sous le prétexte de «freiner la dérive incontrôlée des dépenses». La directrice générale ne vit vraiment pas dans le même monde que le personnel de l'AP et les patients!
Pour tenter de rendre l'annonce de ce plan moins choquante, la direction générale s'empresse de préciser qu'il ne vise pas les services d'hospitalisation mais qu'il prévoit seulement de regrouper les plateaux techniques, tels les laboratoires, et de réorganiser les «fonctions support», c'est-à-dire la restauration, le nettoyage, les services administratifs et ouvriers.
C'est déjà faire comme si tous ces services n'étaient pas indispensables à l'hygiène et aux soins des malades. Pas nécessaires, les examens? Superflu, le nettoyage des sols? Et c'est faire comme si l'on pouvait envisager de baisser les budgets qui y correspondent sans mettre à mal le service rendu. Que dire, par exemple, du remplacement d'une société sous-traitante de nettoyage par une autre, qui va coûter 20% moins cher, comme on l'annonce à l'hôpital Beaujon?
De plus, prétendre que ces économies n'affecteront pas les services d'hospitalisation est simplement un mensonge. Même en envisageant des regroupements ou des fermetures de laboratoires, les directions des 39 hôpitaux de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ne parviennent pas à trouver les sommes énormes dont on leur demande d'amputer les budgets. Alors, elles présentent à la direction générale des plans locaux où s'additionnent froidement les emplois «RTT» annulés, les départs en retraite non remplacés, les contractuels et intermittents non embauchés ou carrément renvoyés. Tout cela rendra encore plus déserts les «offices» c'est-à-dire les salles d'aides-soignants et d'infirmières.
Et ce n'est que la première année. Que trouvera encore la direction générale pour les suivantes?
Il faut dire non
Le conseil d'administration de l'Assistance publique a entériné ce plan. Mais, sous ses fenêtres, vendredi 28 novembre, quelques centaines de manifestants ont, eux, crié leur refus des économies, et réclamé la démission de la directrice générale. Malheureusement, si les syndicats avaient bien distribué quelques tracts par-ci par-là, nulle part il n'y a eu de réunions ni de campagne sérieuse contre le plan d'économies. Cela n'aurait probablement pas suffi à transformer en colère le ras-le-bol et l'inquiétude qui règnent partout, mais cela n'aurait sûrement pas fait de mal au moral des travailleurs des hôpitaux!
D'autant qu'après les 160 chefs de service qui avaient publiquement exprimé leur opposition à la politique de Mattei, 40 médecins de l'Assistance publique ont signé une lettre s'opposant au plan d'économies. Certes, ils l'ont fait de leur côté, sans en informer le personnel, et sans se joindre au rassemblement du vendredi 28 novembre. Mais c'est un signe encourageant.
Car pour quiconque travaille dans les hôpitaux, quel que soit son grade, il va devenir de plus en plus évident que le gouvernement n'a qu'une idée en tête: réduire les dépenses par tous les moyens possibles. Quiconque voudra réclamer pour ce service public des moyens correspondant aux besoins de la population se trouvera amené à s'opposer à la politique de l'État.