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Editorial
Assassins en puissance
Échaudé par l'opprobre qui a sanctionné sa défaillance lors de la canicule de cet été, le gouvernement réagit cette fois-ci rapidement. Pour trouver des solutions susceptibles d'aider le personnel hospitalier débordé par trois épidémies de grippe, bronchiolite et gastro-entérite? Que non! Mais pour dégager par avance ses propres responsabilités.
Pour le gouvernement, les principaux coupables sont les malades eux-mêmes qui, au lieu d'aller chez les médecins en cabinet, vont vers les services d'urgence des hôpitaux.
Mais, pendant que les ministres sont occupés à se trouver par avance des excuses et à dégager leur responsabilité du désastre qui menace, les hôpitaux publics sont débordés, alors qu'il s'agit de faire face à trois épidémies somme toute banales en cette période de l'année. Comme lors de la canicule, c'est au personnel, aides soignants, infirmières, médecins, de tenter de compenser l'incapacité du gouvernement à prévoir, et surtout de prendre les mesures nécessaires.
Pourtant, tout le monde connaît les raisons de la situation de crise du système hospitalier. Les hôpitaux publics manquent d'argent, manquent de moyens, manquent de personnel. La prise en charge correcte des malades est en passe de devenir impossible même en temps ordinaire. Aux services d'urgences des grandes villes, il faut attendre des heures, entassés souvent dans les couloirs. Et si la maladie décelée au service d'urgences se révèle grave, comment hospitaliser le patient s'il n'y a pas de lit libre ni de personnel pour s'occuper du malade?
Depuis des mois, sinon des années, le personnel hospitalier et le personnel médical tirent la sonnette d'alarme pour annoncer des catastrophes à venir. Et pendant ce temps, comme si de rien n'était, le gouvernement actuel, comme d'ailleurs son prédécesseur, continue à supprimer des lits, à fermer des services, voire des hôpitaux entiers. La raison invoquée est, chaque fois, la non-rentabilité. Comme si un hôpital devait être rentable!
Dans une société un tant soit peu humaine, la notion même de rentabilité en matière de santé serait considérée comme une aberration. C'est à la collectivité d'assurer l'équilibre budgétaire du système de santé. Mais l'argent de la collectivité, l'argent des impôts, va à l'armée et, plus encore, est drainé vers les entreprises privées sous forme de subventions, d'aides, de facilités fiscales en tout genre.
Le service public de la Santé est aussi maltraité que l'Éducation nationale ou les transports publics. Mais, dans le cas de la Santé, les conséquences sont dramatiques et visibles.
Non seulement on n'accorde pas à l'hôpital public les moyens dont il a besoin mais, en plus, on livre à la médecine privée les interventions les plus rentables en chirurgie ou en obstétrique. Il n'est pas étonnant que les services jugés peu rentables, comme les urgences justement ou encore la gériatrie, laissés au secteur public, soient de plus en plus débordés.
Face à l'urgence, le ministre de la Santé accuse les médecins libéraux de ne pas être assez disponibles. Mais, à supposer que ceux-ci -que le gouvernement, par ailleurs, favorise- ne soient pas à la hauteur des circonstances, pourquoi donc le gouvernement ne les réquisitionne-t-il pas? Pourquoi se contente-t-il de faire la morale aux malades, pour leur reprocher de ne pas avoir trouvé des médecins libéraux de permanence le week-end, alors qu'ils sont parfois introuvables?
Gouverner c'est prévoir, dit-on. Mais la seule chose que le gouvernement sait prévoir, ce sont les coups répétés qu'il distribue à la population laborieuse. La rigueur hivernale n'est même pas encore arrivée. Si les hôpitaux ont déjà du mal à faire face, que se passera-t-il quand le froid arrivera? Après les quinze mille morts supplémentaires de la canicule cet été, combien cet hiver? Si, de la part du gouvernement, ce n'est pas de l'homicide par imprudence, qu'est-ce que c'est?