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Il y a cinquante ans - Iran : Le renversement de Mossadegh
Il y a cinquante ans, le 19 août 1953, un coup d'État fomenté par les États-Unis, la CIA et l'entourage du shah, le souverain iranien, brisa la tentative du Premier ministre Mossadegh d'échapper à la rapacité des compagnies pétrolières occidentales.
L'enjeu pétrolier
Quatrième producteur mondial de pétrole, l'Iran était d'un intérêt primordial pour les impérialistes. Depuis le début du XXe siècle, la Grande-Bretagne en exploitait le pétrole.
L'Anglo-Iranian Oil Company était un véritable État dans l'État, prolongement de l'État britannique qui avait d'ailleurs occupé militairement une partie du pays lors de la Seconde Guerre mondiale et "démissionné" l'ancien shah, aux sympathies trop ouvertement pro-allemandes, pour le remplacer par son fils Mohammed Reza. Le gouvernement iranien, au sortir de la guerre, se présentait comme une monarchie parlementaire "démocratique", avec même quelques membres du parti communiste, le parti Toudeh, au gouvernement, qui jouaient le jeu de la "voie parlementaire légale vers le changement social". L'expérience se termina avec l'écrasement des grèves des travailleurs du pétrole puis l'interdiction du parti Toudeh en 1949.
Cependant les revendications nationalistes d'une fraction de la bourgeoisie iranienne trouvèrent une expression dans la personne de Mossadegh. Celui-ci, fils d'une princesse, grand propriétaire terrien, plusieurs fois ministre dans les années vingt, s'opposait aussi bien à un accord pétrolier avec l'URSS de Staline qu'à un accord même amélioré avec la compagnie anglaise. Il s'appuyait sur la faible petite bourgeoisie éduquée à l'occidentale mais aussi sur la petite bourgeoisie traditionnelle, celle des artisans, commerçants et usuriers regroupés dans le centre des villes, "le Bazar". Il rassembla les divers groupes nationalistes en une coalition, le Front national, qui trouva, un temps, un appui dans les masses populaires et dans les représentants religieux.
A la fin du mois d'avril 1951, Mossadegh fut nommé Premier ministre sous la pression de la rue. A son initiative, le parlement vota la nationalisation du pétrole. La Société nationale du pétrole iranien fut créée; les techniciens britanniques refusant d'y travailler furent expulsés en septembre 1951. En octobre, les Anglais s'engagèrent dans un bras de fer en fermant la raffinerie d'Abadan, l'une des plus importantes du monde, et en organisant un blocus complet pour empêcher toute vente du pétrole brut iranien. Avec un temps de retard, les compagnies pétrolières américaines se déclarèrent solidaires des Anglais. Mossadegh affirma: "Mieux vaut être indépendant et produire une seule tonne de pétrole par an que d'en produire trente-deux millions et être esclave de l'Angleterre". Il jouissait d'un soutien populaire considérable dont témoignèrent de nombreuses manifestations.
Au même moment d'ailleurs, une situation analogue se développait dans d'autres pays du Moyen-Orient. Ainsi, en Egypte, en juillet 1952, des officiers nationalistes (parmi lesquels Nasser) renversèrent le roi qui incarnait la corruption et la soumission aux Anglais.
L'intervention des états-unis
En cette même année 1952, l'Iran s'enfonçait dans la crise économique: la Compagnie nationale iranienne ne pouvait pas vendre son pétrole; les classes moyennes du Bazar et les grands propriétaires fonciers retirèrent alors leur soutien à Mossadegh qui devait, de plus, affronter l'hostilité du gouvernement américain d'Eisenhower. Le shah renvoya Mossadegh, en juillet 1952, pour le reprendre quelques jours plus tard sous la pression du Front national, des religieux et des manifestations de rue. Le Toudeh, qui jusque-là n'avait vu en Mossadegh qu'un agent de l'impérialisme américain, avait fait volte-face et appelé à la grève, aux côtés du Front national. La situation devenait trop incertaine aux yeux des puissances occidentales.
Devant la mobilisation populaire et le développement de l'influence du Toudeh, le gouvernement américain décida de renverser Mossadegh. Sollicitée par les services secrets britanniques, la CIA élabora un plan. Le candidat du coup de force était tout trouvé pour les Américains: le général Zahedi qui avait tenté et raté un coup d'État au début de 1953. A l'aide de centaines de milliers de dollars pour acheter des militaires, des religieux, des parlementaires et des "manifestants" hostiles à Mossadegh, le gouvernement américain réussit à les rallier au shah qui s'était pourtant enfui à Rome. Le 19 août 1953, les partisans du souverain, classes moyennes, religieux, ralliés par la police manifestèrent. Les affrontements firent 300 morts, le shah revint. Mossadegh préféra s'enfuir. Finalement condamné à mort, il fit trois années de prison avant d'être assigné à résidence jusqu'en 1967. Le Toudeh, qui n'avait pas nettement appelé à résister au coup d'État, fut durement réprimé, ses militants, de même que de très nombreux travailleurs, furent persécutés. Les puissances impérialistes rétablirent leur pouvoir. En 1954, un consortium, où 40% des parts étaient détenues par les compagnies pétrolières américaines (qui contrôlaient déjà les richesses pétrolières de l'Arabie Saoudite), 40% par l'Anglo-Iranian Oil Company et 6% par la Compagnie Française des Pétroles, passa un accord avec la Société nationale du pétrole iranien.
La tentative de Mossadegh d'alléger la tutelle impérialiste sur l'Iran avait donc échoué. Les masses populaires, qui avaient espéré, avec Mossadegh, une amélioration de leur sort, allaient subir la dictature du shah pendant près de trente ans, avant de connaître celle des ayatollahs.