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Dans les entreprises
Air Littoral en règlement judiciaire : Seillière, lui, vole toujours
Après les compagnies aériennes AOM et Air Liberté, "liquidées" par étapes en laissant sur le carreau leurs 7000 salariés, fin août, Air Littoral, première compagnie aérienne régionale française, a déposé son bilan.
Il y a encore deux ans, Air Littoral, AOM et Air Liberté appartenaient à SAirGroup, un regroupement formé autour de la compagnie suisse, Swissair, qui englobait aussi le transporteur aérien belge Sabena.
Dans la concurrence au couteau qui opposent les géants multinationaux du transport aérien, SAirGroup a fini par se "crasher". Et avec lui, plusieurs dizaines de milliers de salariés, en France, en Suisse, en Belgique et ailleurs.
Certains actionnaires y ont sans doute laissé des plumes. Mais pas les plus gros, en particulier, la CGIP (Compagnie générale d'industrie et de participation) qui regroupe la fortune des 450 héritiers de la famille De Wendel et que préside l'un d'eux, le baron Ernest-Antoine Seillière, numéro un du MEDEF.
Dans cette affaire, la CGIP a eu un rôle à la fois déterminant et le plus discret possible. Et pour cause. La législation interdisant à une compagnie suisse de contrôler des compagnies de l'Union européenne, Swissair avait besoin d'un paravent. En prenant 50,1% du capital de SAirGroup, la CGIP joua ce rôle, une pratique que la loi considère comme illégale et nomme "portage". Un baron déguisé en porteur, même d'actions, cela fait-il tache sur le blason? En tout cas, cela a un prix. Seillière et Swissair conclurent donc un "pacte d'actionnaires", tenu secret pendant des mois, aux termes duquel Swissair s'engageait à lui racheter ses actions à un prix convenu (on a parlé de moitié plus).
Quand SAirGroup commença à battre de l'aile, Seillière reprit ses capitaux et ses billes, précipitant le groupe vers la faillite et ses milliers de salariés vers le chômage. Les bénéfices de la CGIP, eux, atterrirent dans une de ses filiales néerlandaises, ce qui les exonéra quasiment d'impôt.
Depuis deux ans, Air Littoral avait déjà supprimé 300 emplois. Les mille derniers sont maintenant menacés. La catastrophe étant en quelque sorte garantie sur facture (celle des profits de Seillière), le gouvernement Raffarin a récemment "consenti" un prêt à Air Littoral en exigeant qu'il soit garanti par les collectivités locales du Midi où Air Littoral a son siège.
Sans même que cela assure durablement les emplois à Air Littoral, ce sont donc les contribuables qui paieront ce prêt et le reste, la mise en règlement judiciaire de la compagnie annulant sa dette publique de 60 millions d'euros.
Tout cela parce que les gouvernements Jospin, puis Raffarin, qui n'ont déjà jamais poursuivi Seillière pour cette affaire de "portage" que la loi considère pourtant comme illégal, n'allaient quand même pas lui chercher noise pour avoir réussi un "beau coup" financier. Jeter à la rue des milliers de salariés en empochant de gros bénéfices, ce n'est pas, comme on voudrait nous le faire croire, le propre de quelques "patrons voyous": c'est le mode de fonctionnement ordinaire du capitalisme.